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ajouté Mme Kenwigs en faisant cette proposition ; car, en vérité, monsieur Noggs, il n’y a pas au monde d’enfant qui soit né avec des dispositions plus heureuses.

— Voilà ! dit Newman : c’est là tout. Ce n’est pas digne de vous, je le sais ; mais je pensais que vous voudriez peut-être…

— Peut-être ! s’écria Nicolas avec une grande vivacité ; dites certainement : j’accepte tout de suite. Allez, mon ami, l’annoncer sans délai à cette digne mère, et dites-lui que je suis prêt à commencer aussitôt qu’elle voudra. »

Newman descendit l’escalier quatre à quatre, tout rayonnant de joie, pour informer Mme Kenwigs que son ami acceptait ses offres ; puis il revint aussi vite rapporter la nouvelle qu’on désirait le voir au premier étage aussitôt qu’il pourrait ; que Mme Kenwigs venait à l’instant même d’envoyer acheter une grammaire française d’occasion, avec dialogues, qu’elle visait depuis longtemps dans la boîte à douze sous du bouquiniste du coin, et que la famille, dans son enivrement de voir ajouter encore ce surcroît de considération à ses autres titres de distinction, serait bien aise que l’on commençât immédiatement la leçon d’installation.

On nous dira peut-être que Nicolas n’était pas fier, comme on le dit en pareil cas dans le monde : cela est vrai. S’il s’agissait d’un affront s’adressant à lui-même, il s’y montrait sensible ; si c’était un autre qui en fût victime, il intervenait pour le venger avec autant d’audace ou de courage que jamais chevalier qui mit la lance en arrêt. Mais, quant à cet excès de froideur hautaine et d’égoïsme magnanime, signes invariables auxquels se reconnaît un caractère fier, selon le monde, il en était complètement dépourvu. Il est vrai que, pour notre part, nous serions plutôt disposé à regarder ces caractères comme un embarras dans les familles qui ont besoin d’aide ; cela tient peut-être à ce que nous avons eu l’occasion de rencontrer sur notre chemin de ces caractères dont la fierté consiste surtout à rejeter avec mépris toute occupation indigne d’eux, à cultiver avec soin leurs moustaches et à se donner des airs féroces. Je veux bien convenir que les moustaches et les airs féroces sont de bonnes choses en elles-mêmes, des titres très recommandables ; mais, pourtant j’aimerais mieux qu’ils fussent nourris aux frais de leurs propriétaires, au lieu de se pendre aux crocs de ces gens méprisables dont on dit qu’ils ne sont pas fiers.

Nicolas était donc de ces derniers, et ce n’était pas un jeune homme fier, dans le sens vulgaire du mot : il regardait comme plus déshonorant pour lui d’emprunter pour ses besoins