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un secrétaire, si ce n’est l’obligation générale de se rendre aussi utile et aussi agréable qu’il peut l’être à son patron, sans sacrifier sa propre dignité, et sans dépasser la limite des devoirs que son titre même semble ordinairement impliquer. »

M. Gregsbury regarda fixement Nicolas pendant quelque temps, puis jetant autour de la chambre un regard circonspect, il lui dit d’une voix contenue :

« C’est tout à fait cela, monsieur… comment vous appelez-vous ?

— Nickleby.

— C’est tout à fait cela, monsieur Nickleby, et parfaitement énoncé, au moins pour les devoirs que vous avez définis ; mais il en est d’autres encore. Il en est, monsieur Nickleby, que le secrétaire d’un personnage parlementaire ne doit jamais perdre de vue. Il faudra me mâcher la besogne.

— Pardon, monsieur, dit Nicolas ne comprenant pas précisément la chose.

— Me mâcher la besogne, monsieur, répéta M. Gregsbury.

— Voulez-vous bien m’excuser, monsieur, si je vous demande ce que vous entendez par là ? dit Nicolas.

— Ce que j’entends, monsieur, est parfaitement clair, répondit M. Gregsbury avec un air solennel. Mon secrétaire doit posséder la politique étrangère de tous les États, en suivre les reflets dans les journaux : parcourir des yeux tous les comptes rendus des réunions publiques, tous les premiers-Paris, et les procès-verbaux des diverses sociétés : prendre, chemin faisant, des notes sur les points qui lui paraissent propres à donner de l’intérêt à une petite tirade qui serait prononcée à propos d’une pétition déposée sur le bureau, ou de quelque incident pareil. Vous comprenez ?

— Je le crois, monsieur, répondit Nicolas.

— Et puis, dit M. Gregsbury, il devrait aussi jour par jour prendre connaissance des accidents de la veille dans les journaux du matin : lire, par exemple, les disparitions mystérieuses, ou suicide supposé d’un enfant employé dans les poteries, ou quelque autre aventure de ce genre, sur laquelle je puisse fonder une question adressée de ma place au ministre de l’intérieur. Puis, il copierait la question, avec quelques mots de la réponse du ministre ; on y trouverait l’occasion naturelle de m’adresser un petit compliment sur mon esprit d’indépendance et le bon sens de mes observations. Puis on enverrait le tout franc de port à la feuille locale, avec une douzaine de lignes en tête, pour rappeler