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ce que l’on viendrait à proposer ; de diviser la Chambre sur toutes les questions ; de faire des motions d’ajournement à tout propos ; d’avoir tous les jours un amendement au procès-verbal ; en un mot, pour conserver vos propres expressions dont nous avons gardé la mémoire, de faire le diable, en tout et pour tout. »

En terminant ce réquisitoire détaillé, M. Pugstyles plia sa note et la remit dans sa poche, comme firent aussi tous ses amis à son exemple.

M. Gregsbury se mit à réfléchir, se moucha, s’enfonça davantage encore dans son fauteuil, puis se rapprocha de la table, y posa ses coudes, fit un triangle composé de ses deux pouces et de ses deux index, et se tapant gentiment le nez avec le sommet du triangle, répondit (il ne put s’empêcher de rire) : « Je nie tout. »

À cette réponse inattendue, un murmure d’horreur s’éleva du sein de la députation, et le même gentleman qui avait exprimé des doutes sur le caractère blaguiforme de l’exorde de M. Gregsbury, fidèle à ses habitudes monosyllabiques, prononça cette fois en grognant le mot de démission. Démission ! mot terrible qui fut aussi grommelé par ses voisins et finit par devenir comme le mot d’ordre général de l’assemblée, en proie à une grande agitation.

« Je suis aussi chargé, monsieur, dit M. Pugstyles, avec une révérence cérémonieuse, de vous exprimer notre espérance que, sur la demande d’une majorité considérable de vos commettants, vous ne ferez aucune difficulté de donner votre démission, en faveur de quelques candidats qu’ils jugent plus dignes de leur espérance. »

Pour toute réponse, M. Gregsbury se mit à lire la réplique suivante, qu’il avait à l’avance composée sous forme de lettre, et dont il y avait déjà un grand nombre de copies toutes prêtes pour être envoyées aux journaux :

« Mon cher Pugstyles,

« Après la prospérité de notre île bien-aimée, ce pays de bonheur et de liberté dont les facultés et les ressources sont, dans ma conviction, sans limites, il n’y a rien qui me soit plus cher que cette noble indépendance, le plus fier privilège d’un cœur vraiment anglais, et mon plus vif désir est de le léguer à mes enfants sans honte et sans tache. Ce n’est donc point par des motifs personnels, mais par de hautes et respectables considérations constitutionnelles, que je n’essayerai pas de vous expli-