Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils n’avaient jamais entendu parler. Voyez un peu la belle excuse pour refuser son enthousiasme !

Nicolas, distrait de ses propres malheurs par la pensée de ceux dont la jolie fille qu’il avait vue paraissait être victime, après bien des tours et des retours, après avoir souvent demandé et perdu son chemin, finit par arriver devant l’endroit où on l’avait adressé.

Dans l’enceinte de la vieille cité de Westminster, environ à quelques centaines de pas de son antique sanctuaire, est un quartier étroit et sale, résidence aujourd’hui des membres les moins importants du Parlement. Il ne se compose que d’une rue, formée de deux rangées de tristes maisons louées en garni, dont toutes les fenêtres, pendant les vacances législatives, fournissent leur tribut à cette collection mélancolique d’écriteaux uniformes qui, remplaçant de leur mieux leurs anciens locataires, membres de l’opposition ou partisans du gouvernement, pendant la session qui vient d’aller retrouver ses ancêtres, semblent dire comme eux : « À louer ! à louer ! »

Mais quand la saison des affaires est revenue, on ne voit plus d’écriteaux, et les maisons regorgent de législateurs. Législateurs en bas, législateurs en haut, législateur au premier, au second, au troisième étage, et jusque dans les galetas ; pas un petit cabinet qui n’ait un fumet de députation et de délégué. Dans les temps humides, tout le quartier est englouti dans des nuages de vapeurs qui s’exhalent des actes du Parlement et des pétitions revêches qui moisissent dans les cartons. Les courriers de la poste risquent de se trouver mal quand ils pénètrent dans ces brouillards infects, et l’on voit errer çà et là des figures piteuses, avides de profiter des franchises de la correspondance officielle, comme les âmes en peine qui erraient sur les rivages du Styx pour obtenir gratis le passage au sombre bord.

C’est là ce qu’on appelle la cité Manchester ; c’est là qu’à toutes les heures de la nuit on entend tourner dans leurs serrures respectives le passe-partout de messieurs du Parlement, quand ils rentrent de leurs clubs ou de leurs autres lieux de plaisir. Parfois aussi, quand une bouffée de vent balaye les eaux qui baignent le pied de ces murs et concentre le son dans cette longue enfilade, il fait retentir la voix grêle et perçante de quelque jeune orateur qui répète son rôle pour la séance du lendemain. C’est là que, tout le long du jour, des orgues de barbarie tournent leurs meules et que toutes les petites boîtes à musique, inventées pour les artistes ambulants, font entendre