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étendu à la fenêtre de la cuisine, jusqu’aux pots à fleurs rangés le long du parapet, j’eusse défié le plus habile calculateur des petits garçons de l’école voisine de me dire où se trouvait la place inoccupée.

L’escalier commun de cette masure n’avait point de tapis sur le carreau, et, si quelque curieux avait eu la fantaisie de le grimper jusqu’en haut, il aurait trouvé tout du long des signes assurés de la pauvreté progressive des locataires, sans avoir besoin d’entrer chez eux. Ceux du premier, par exemple, qui regorgeaient apparemment de mobilier, avaient mis en dehors, sur le palier, une vieille table d’acajou ; oui, de l’acajou véritable. On ne la rentrait que par occasion, quand on en avait besoin. Au second, le mobilier supplémentaire ne se composait guère que d’une couple de vieilles chaises en bois blanc, dont l’une, destinée à la chambre de derrière, était boiteuse et sans fond. L’étage au-dessus était moins richement pourvu : il n’y avait guère qu’un cuvier vermoulu ; et les articles les plus précieux exposés sur le carré des galetas se composaient de deux cruchons estropiés et de quelques bouteilles de cirage en morceaux. C’est ici, sur ce palier même, que l’homme à figure anguleuse, aux traits fortement prononcés, vieux et râpé, s’arrêta pour ouvrir la porte de la mansarde sur le devant, dans laquelle il pénétra d’un air qui annonçait qu’il en était le légitime locataire, mais non sans s’être donné auparavant bien du mal pour faire tourner sa clef rebelle dans les gardes rouillées de sa serrure. Ce monsieur portait une perruque à cheveux courts, grossiers et roux. Il l’ôta en même temps que son chapeau, et, les accrochant ensemble à un clou, les remplaça sur sa tête par un bonnet de coton sale ; puis il rôda à tâtons dans l’obscurité, jusqu’à ce qu’il eût trouvé un bout de chandelle, frappa à la cloison qui séparait les deux greniers, et demanda à haute voix si M. Noggs avait de la lumière.

La réponse, qui ne se fit pas attendre, apporta des sons à demi étouffés entre la latte et le plâtre. On eût dit que le voisin parlait du fond d’une cruche ou de quelque autre vase à boire. Quoi qu’il en soit, c’était bien la voix de M. Newman qui répondait d’une manière affirmative à la question.

« Quel vilain temps, monsieur Noggs ! dit l’homme au bonnet de coton, ouvrant la porte pour allumer sa chandelle.

— Est-ce qu’il pleut ? demanda Newman.

— S’il pleut ! répondit l’autre de mauvaise humeur, je suis trempé.

— Avec cela que vous et moi nous n’avons pas de mal à être