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hardis, se jeter les uns aux autres un regard furtif d’indignation et de pitié.

Heureusement, ces regards échappèrent à Squeers, dont toute l’attention était concentrée sur le pauvre Smike, quand il lui demanda selon sa coutume invariable, en pareil cas, s’il avait quelque chose à dire pour sa défense.

« Rien, je suppose, » ajouta-t-il, grimaçant un rire diabolique.

Smike porta les yeux autour de lui, et les reposa un moment sur Nicolas, comme s’il s’attendait à le voir intercéder pour lui ; mais Nicolas ne bougeait pas les siens de son pupitre.

« Avez-vous quelque chose à dire ? demanda Squeers de nouveau, faisant faire à son bras droit trois ou quatre évolutions préparatoires, seulement pour essayer la force et la souplesse de ses moyens. Madame Squeers, ma bonne amie, prenez garde, retirez-vous un peu, c’est à peine si j’ai assez de place.

— Grâce, monsieur, cria Smike.

— Oh ! voilà tout ? rien de plus ? dit Squeers ; eh bien oui, je vais vous faire grâce de la vie, j’arrêterai mon bras avant que vous soyez tout à fait mort.

— Ha ! ha ! ha ! et Mme Squeers se mit à rire : en voilà une bonne farce.

— J’y ai été poussé, dit Smike d’une voix défaillante et jetant de nouveau un regard suppliant autour de lui.

— Poussé ! ah ! vous y avez été poussé, dit Squeers ; alors ce n’était pas votre faute, c’était la mienne, je suppose, — hein !

— Un méchant ingrat, un petit cochon, un chien d’animal, une brute obstinée, s’écria Mme Squeers en fourrant sous son bras la tête de Smike pour lui administrer à chaque épithète une taloche. Qu’est-ce qu’il veut dire par là ?

— Laisse-le un moment, ma chère, répliqua Squeers, nous allons tirer cela au clair. »

Mme Squeers, que l’ardeur de ses vengeances avait mise hors d’haleine, lâcha Smike que Squeers saisit dans ses griffes. Déjà il l’avait frappé d’un coup terrible, et sa victime tressaillant sous le fouet poussait un cri de douleur : déjà il relevait le bras, brandissant son arme pour frapper un coup plus vigoureux encore, lorsque tout à coup Nicolas Nickleby saute de sa place, et d’une voix qui fait trembler les solives lui crie : « Arrêtez !

— Qui est-ce qui a crié : Arrêtez ! dit Squeers jetant autour de lui des yeux égarés par la colère.

— Moi, dit Nicolas en s’avançant vers lui : que tout cela finisse.