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d’argent du tout. Après cela, ayant aidé à décharger le fiacre, il conduisit ces dames dans l’intérieur de leur nouvelle demeure.

Qu’elle était vieille ! qu’elle était triste ! qu’elle était noire ! Comme les appartements en étaient silencieux et sombres, dans ce quartier autrefois si plein de vie et de mouvement ! Sur le derrière était un quai de débarquement au bord de la Tamise ; une niche à chien sans locataire, quelques os d’animaux ; des fragments de cercles de fer, des douves de vieux tonneaux étaient épars de tous côtés ; mais la vie s’était retirée de cet ancien théâtre d’activité. Ce n’était plus que l’image d’une ruine froide et muette.

« Cette maison, dit Catherine, est triste et glacée. On dirait un arbre flétri par quelque mauvais vent. En vérité, si j’étais superstitieuse, j’aurais presque envie de croire qu’il y a eu là quelque crime abominable commis entre ces quatre murailles, et que depuis la place a été frappée de malédiction. Dieu ! que c’est déplaisant et sombre !

— Au nom du ciel, ma chère, répliqua Mme Nickleby, ne dites donc pas ces choses-là ; vous allez me faire mourir de frayeur.

— Ce n’est rien, dit Catherine avec un sourire forcé ; c’est seulement ma folle imagination.

— Eh bien alors, ma chère, faites-moi le plaisir de garder votre folle imagination pour vous et de ne pas réveiller la mienne pour lui tenir compagnie. Est-ce que vous n’auriez pas dû penser à tout cela auparavant ? Vous êtes si négligente ! nous aurions demandé à miss la Creevy de venir nous tenir compagnie ; ou nous aurions emprunté un chien, ou mille choses. Mais vous n’en faites jamais d’autres, tout juste comme votre pauvre cher père. Si je n’avais pas pensé à tout… » C’était l’exorde ordinaire de Mme Nickleby quand elle allait commencer une lamentation générale, composée d’une douzaine de phrases mal enchevêtrées et qui ne s’adressaient à personne en particulier, mais dans lesquelles elle s’embarquait à perte d’haleine, comme elle n’y manqua pas dans cette occasion.

Newman, sans avoir l’air d’entendre ces observations, fit à ces dames les honneurs de deux chambres, au premier étage, qu’on avait eu l’attention de chercher à rendre habitables. Dans l’une étaient quelques chaises, une table, un vieux tapis de cheminée. Le feu était tout apprêté dans la grille. L’autre chambre contenait un vieux bois de lit à tenture, et quelques menus articles d’ameublement essentiels.