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— Est-ce que vous n’avez rien à dire à votre oncle, ma chère fille ? demanda Mme Nickleby.

— Oh ! bien des choses, au contraire, mais pas pour le moment. J’aime mieux lui parler quand nous serons seuls. Je ne veux pas lui faire perdre son temps à lui adresser mes remerciements, je lui dirai en chemin ce que j’ai à lui dire. »

À ces mots, Catherine s’éclipsa pour aller cacher les traces de l’émotion qui faisait couler des pleurs le long de ses joues, et pour se préparer à sortir, pendant que Mme Nickleby amusait son beau-frère en lui faisant, toujours pleurante, la description détaillée des dimensions d’un piano-secrétaire en bois de rose qu’ils avaient possédé au temps de leur splendeur, ou encore des huit fauteuils de leur salon, à pieds tournés, à belles housses de perse verte, assorties aux rideaux, et qui avaient coûté soixante-huit francs soixante-quinze centimes la pièce : était-ce malheureux ! Ils s’étaient vendus pour rien.

Ces souvenirs intéressants furent arrêtés tout court par le retour de Catherine, qui venait de s’habiller pour sortir, et Ralph, qui n’avait fait que s’agiter et souffrir le martyre pendant toute son absence, ne voulant point perdre de temps, quitta sa belle-sœur sans cérémonie et descendit dans la rue.

« Maintenant, dit-il, donnant le bras à Catherine, marchez aussi vite que vous pouvez, et vous allez voir le chemin que vous aurez à faire tous les jours pour aller à vos affaires. En même temps il se mit à conduire, d’un bon pas, sa nièce dans la direction de Cavendish-square.

— Je vous suis très obligée, mon oncle, dit la jeune fille après qu’ils eurent fait à la hâte un bout de chemin en silence, très obligée.

— Je suis bien aise de vous entendre parler comme cela, dit Ralph. J’espère que vous remplirez votre devoir.

— Je ferai mon possible pour que vous soyez content, mon oncle, répliqua-t-elle. Certainement, je…

— Allons, ne commencez pas à pleurer, dit Ralph en grognant, il n’y a rien que je déteste comme de voir pleurer.

— C’est vrai, mon oncle, c’est très ridicule à moi, je le sais.

— En effet, reprit Ralph l’interrompant, très ridicule et très déplacé. Que cela ne recommence plus ! »

Peut-être n’était-ce pas là le meilleur moyen de sécher les larmes d’une femme jeune et sensible, prête à paraître pour la première fois sur un théâtre tout à fait nouveau pour elle dans la vie, au milieu d’étrangers froids et indifférents. Pourtant, je dois dire qu’il réussit à l’instant. Catherine rougit profondé-