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— Mais oui, répondit miss la Creevy portant à la bouche le bout de son pinceau, pour mieux se donner l’attitude de la réflexion. Avec deux séances encore…

— En ce cas, qu’elle vous les donne tout de suite, madame, dit Ralph. Dès demain, elle n’aura plus de temps à perdre à des enfantillages. Le travail ! madame ; le travail ! il faut que tout le monde travaille. Avez-vous loué votre appartement, madame ?

— Jusqu’à présent, monsieur, je n’ai pas mis d’écriteau.

— Il faut le mettre à l’instant, madame. Une fois la semaine finie, elles n’auront plus besoin d’y demeurer, ou, si elles y restent, elles n’auront pas de quoi le payer. Maintenant, ma chère, si vous êtes prête, nous n’allons pas perdre de temps. »

M. Ralph Nickleby, avec un faux air de bonté qui lui allait encore plus mal que sa brusquerie habituelle, il fit signe à la jeune demoiselle de passer devant lui, puis, s’inclinant gravement pour saluer miss la Creevy, il ferma la porte et monta l’escalier derrière sa nièce ; là, Mme Nickleby le reçut avec une foule de cérémonies respectueuses. Mais il y coupa court sans façon en lui faisant signe de la main qu’il n’en avait que faire, et, dans son impatience, il expliqua tout de suite le but de sa visite.

« J’ai trouvé une situation pour votre fille, madame.

— Merci ! répliqua Mme Nickleby ; et, maintenant, permettez-moi de vous dire que je n’attendais pas moins de vous. C’est ce que je disais à Catherine, ce matin même à déjeuner : soyez bien sûre, ma fille, lui disais-je, qu’après avoir mis tant d’empressement à pourvoir Nicolas, il n’aura pas de cesse qu’il n’en ait fait autant pour vous. Voilà exactement ce que je lui disais, autant que je puis me le rappeler. Catherine, ma chère, pourquoi donc ne remerciez-vous pas votre… ?

— Laissez-moi continuer, madame, je vous prie, dit Ralph interrompant sa belle-sœur dans le débordement de ses paroles.

— Catherine, ma fille, laissez donc continuer votre oncle, dit Mme Nickleby.

— Je ne demande pas mieux, maman, répondit Catherine.

— Eh bien ! alors, ma fille, si vous ne demandez pas mieux, vous devriez laisser votre oncle dire ce qu’il a à dire, sans l’interrompre, reprit Mme Nickleby avec force mouvements de tête et force signes de contrariété. Le temps de votre oncle est si précieux, ma chère, que, malgré votre vif désir (désir bien naturel et qui ne peut manquer d’être ressenti par tous parents attachés à leur devoir de famille qui ont aussi peu vu leur oncle que vous), malgré votre vif désir donc de prolonger le plaisir de le garder plus longtemps avec nous, cependant nous