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Il s’était arrêté un moment pour jeter à la dérobée un regard sur Nicolas, et, quand il se vit observé, il recula comme s’il s’attendait à être battu.

« Vous n’avez pas besoin d’avoir peur de moi, lui dit Nicolas avec douceur. Avez-vous froid ?

— N-o-n.

— Vous tremblez cependant.

— Je n’ai pas froid, répondit Smike vivement. J’y suis fait. »

On voyait, dans ses manières, une telle crainte de déplaire, et cette créature timide semblait si découragée, que Nicolas ne put s’empêcher de s’écrier :

« Pauvre garçon ! »

S’il avait frappé le souffre-douleur de la maison, il l’aurait vu se sauver sans se plaindre ; mais, à ces mots, il le vit seulement fondre en larmes.

« Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-il en pleurant et en cachant sa figure dans ses mains glacées et calleuses ; mon cœur va se briser ! c’est sûr ! c’est sûr !

— Chut ! dit Nicolas lui mettant la main sur l’épaule. Soyez un homme par le courage, comme vous l’êtes déjà presque par les années, et que Dieu vous aide !

— Les années ! dit Smike toujours en pleurs. Ô ciel ! ô ciel ! Combien j’en ai déjà compté ! combien, depuis que j’étais petit garçon, plus jeune que tous ceux qui sont ici ! Où sont-ils tous, à présent ?

— De qui parlez-vous ? demanda Nicolas, qui voulait relever la raison de cette créature, en apparence presque stupide. Voyons, dites-moi !

— Mes amis, répliqua-t-il, mes… Oh ! que j’ai donc souffert !

— Il ne faut jamais perdre l’espérance, dit Nicolas ne sachant que dire.

— Oh ! non, non ! Il n’y en a pas pour moi ! Vous rappelez-vous l’élève qui est mort hier ?

— Je n’y étais pas, vous savez, dit Nicolas avec bienveillance. Mais que vouliez-vous me dire ?

— Eh bien ! répliqua l’autre en se rapprochant de Nickleby, j’étais avec lui la nuit, et, quand tout fut en silence, il ne demanda plus, comme auparavant, que ses amis vinssent s’asseoir à ses côtés, mais il commença à voir autour de son lit des figures qui venaient de chez lui. Il disait (il rêvait sans doute) qu’elles lui souriaient, qu’elles causaient avec lui, et il finit par mourir en soulevant sa tête pour les embrasser. Vous comprenez ?