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NICOLAS NICKLEBY.

Kenwigs, et qui, demeurant au second, sur le derrière, avait prêté son lit à l’enfant au maillot de madame Kenwigs et mis auprès de lui une petite fille pour le veiller ; le cavalier qu’on destinait à cette dame était un jeune homme que M. Kenwigs avait connu étant garçon. Ajoutez-y un couple nouvellement marié, une sœur de madame Kenwigs, un jeune homme qui passait pour avoir des vues sur elle, une vieille dame du premier sur le derrière, et M. Noggs, qu’on invitait volontiers, parce qu’il avait été riche autrefois.

Mais après le percepteur, le plus grand lion de la société était peut-être la fille d’un pompier ; elle figurait dans la pantomime, et avait pour le théâtre d’incroyables dispositions.

On se mit à table à huit heures ; et quand tous les mets furent consommés, on se hâta d’enlever la nappe et de substituer aux débris du festin les ingrédients nécessaires pour faire un punch. Le grave percepteur, homme gros et replet, dont la figure avait l’air d’être sculptée en bois, se dérida à cet attrayant spectacle, et les yeux de Noggs étincelèrent de plaisir.

— C’est vous qui aurez la complaisance de préparer le punch, lui dit miss Petowker, la fille du pompier ; mais si, pendant ce temps, Morleena dansait un pas devant M. Lillywick ?

Ce nom de Morleena, qui peut sembler étrange, avait été imaginé par madame Kenwigs pour désigner son premier enfant.

— Faut-il danser, maman ? demanda la petite fille. — Non, non, ma chère, répondit madame Kenwigs, cela ennuierait votre oncle. — C’est impossible : n’est-ce pas, Monsieur, que cela vous fera beaucoup de plaisir ? — J’en suis persuadé, répondit le percepteur en regardant du coin de l’œil si la fabrication du punch avançait. — Eh bien ! dit madame Kenwigs, Morleena fera ses pas si mon oncle peut obtenir de miss Petowker qu’elle nous récite ensuite l’agonie de la femme vampire.

Des applaudissements frénétiques accueillirent cette proposition ; miss Petowker inclina la tête à plusieurs reprises pour remercier l’assemblée.

Madame Kenwigs et miss Petowker avaient arrangé un petit programme des plaisirs de la soirée ; mais il était convenu que, de part et d’autre, on se ferait un peu prier, pour que cela eût l’air plus naturel. Miss Petowker fredonna un air, et Morleena dansa après qu’on lui eut mis de la craie aux semelles comme pour sauter sur la corde roide. Le pas était accompagné de fréquents mouvements des bras, et il fut applaudi à tout rompre.

— Si j’avais le bonheur de posséder un… un… un enfant, dit miss Petowker en