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NICOLAS NICKLEBY.

vant que Nicolas, qui faisait la classe, elle rougit vivement, et manifesta une grande confusion.

— Je vous demande pardon de… bégaya miss Fanny, je croyais que mon père était, ou pouvait être ici ; mon Dieu, quelle inconséquence ! — M. Squeers est sorti dit Nicolas sans être troublé le moins du monde par cette apparition inattendue. — Pensez-vous qu’il restera longtemps dehors ? demanda miss Fanny avec une pudique hésitation. — Environ une heure, d’après ce qu’il m’a dit, répondit Nicolas assez poliment. — Il ne m’est jamais rien arrivé de plus contrariant, s’écria la jeune personne. Je vous remercie ; je suis très-fâchée de vous avoir dérangé ; si j’avais su que mon père n’était pas ici, je me serais bien gardée… c’est une démarche bien inconvenante et qui doit sembler bien étrange.

Miss Fanny débita cette tira de en rougissant encore davantage, et en regardant alternativement Nicolas et la plume qu’elle tenait à la main.

— Si c’est là tout ce dont vous avez besoin, dit Nicolas en désignant la plume du doigt, et en souriant malgré lui de l’embarras affecté de la demoiselle, peut-être puis-je remplacer votre père.

Miss Squeers s’avança à pas lents vers Nicolas, et lui remit sa plume.

Nicolas tailla la plume et la présenta à miss Fanny, qui la laissa tomber. En se baissant ensemble pour la ramasser, leurs têtes se rencontrèrent, ce qui fit rire vingt-cinq élèves pour la première et la seule fois de l’année.

— Maladroit que je suis ! dit Nicolas en ouvrant la porte pour faciliter la retraite de la jeune fille. — Pas du tout, Monsieur ; c’est ma faute ; je suis… je vous… je vous souhaite le bonjour. — Adieu, dit Nicolas ; la première fois que je vous taillerai une plume, j’espère m’en acquitter un peu mieux. Prenez garde, vous en mordez le bec. — Vraiment je vous donne tant d’embarras que je sais à peine ce que… Je suis désolée de vous avoir importuné. — Comment donc ?… répondit Nicolas en fermant la porte de l’étude.

Pour rendre compte de la rapidité avec laquelle cette jeune demoiselle avait conçu de l’affection pour Nicolas, il est nécessaire de dire que l’amie de chez laquelle elle revenait était la fille d’un meunier, âgée d’environ dix-huit ans, qui s’était fiancée au fils d’un petit marchand de blé de la ville voisine. Miss Squeers et la fille du meunier étaient intimes, et elles avaient fait un pacte deux ans auparavant, suivant un usage en vigueur auprès des jeunes personnes ; il avait été convenu que celle qui serait demandée la première en mariage déposerait cet important se-