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NICOLAS NICKLEBY.

magnétique. Enfin M. Squeers bâilla à se démonter la mâchoire, et fut d’avis qu’il était grand temps de s’aller coucher. À ce signal, madame Squeers et sa servante apportèrent un petit matelas de paille et une couple de couvertures, et les arrangèrent en manière de lit pour Nicolas.

— Nous vous installerons demain dans une chambre à coucher plus convenable, Nickleby, dit Wackford Squeers. — Je serai prêt, Monsieur ; bonsoir. — Je vous réveillerai et vous montrerai où est le puits, ajouta Squeers ; vous trouverez toujours un petit morceau de savon sur la fenêtre de la cuisine, il vous est destiné.

Nicolas ouvrit les yeux sans ouvrir la bouche. Au moment de s’en aller, M. Squeers fit signe à sa femme d’emporter la bouteille d’eau-de-vie, de peur que Nickleby n’y touchât pendant la nuit. Madame Squeers s’en saisit avec une extrême précipitation, et les deux époux se retirèrent.

Laissé seul, Nicolas se promena en long et en large dans la chambre, en proie à une violente agitation ; mais, se calmant par degrés, il s’assit, et forma le projet, quelque chose qu’il arrivât, d’essayer de supporter momentanément toutes les misères qui lui étaient réservées. Il se rappela la détresse de sa mère et de sa sœur, et se détermina à ne donner à son oncle aucun prétexte pour les abandonner. Les bonnes résolutions manquent rarement de produire de bons effets dans l’esprit de celui qui les conçoit. Il reprit courage, et, grâce à l’ardeur et à l’énergie de la jeunesse, il espéra même qu’au château de Dotheboys les choses iraient mieux qu’il n’avait lieu de s’y attendre.

À moitié consolé, il se préparait à se coucher, quand une lettre cachetée tomba de sa poche. Dans le trouble des adieux elle avait échappé à son attention et ne s’y était pas offerte depuis. Elle lui rappela le maintien mystérieux de Newman Noggs. — Mon Dieu ! dit Nicolas, quelle écriture extraordinaire !

La lettre lui était adressée, était écrite sur de sale papier, et tellement griffonnée qu’elle était presque illisible. Après des efforts réitérés, il parvint à lire ce qui suit :

« Mon cher jeune homme,

» Je connais le monde. Votre père ne le connaissait pas ; autrement il ne m’aurait pas rendu service sans espérance de retour. Vous ne le connaissez pas ; autrement vous ne vous seriez pas décidé à un pareil voyage…

» Si jamais vous avez besoin d’un abri à Londres (ne vous fâchez pas de cette supposition, je croyais autrefois n’en devoir jamais manquer), on sait où je demeure, à l’enseigne de la Couronne, Silver street, Golden square ; c’est au coin de Silver