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NICOLAS NICKLEBY.

— MM. Cheeryble désirent savoir s’il faut retenir l’homme que vous avez vu cette nuit, et quoiqu’il soit minuit, dans leur incertitude, ils m’envoient prendre votre avis. — Oui ! cria Ralph, retenez-le jusqu’à demain ; qu’ils me l’amènent, lui et mon neveu, qu’ils viennent eux-mêmes, et qu’ils soient sûrs que je serai prêt à les recevoir. — À quelle heure ? — À toute heure, dans l’après-midi ; quand ils voudront, peu m’importe.

Il écouta le messager s’éloigner, et regarda le ciel, vit ou crut voir le même nuage noir qui avait semblé le suivre, et qui paraissait maintenant droit au-dessus de la maison…

Le vent apporta le son d’une cloche lointaine.

— Continue, s’écria l’usurier, continue à mentir avec ta langue de fer ; sonne joyeusement pour des naissances qui désolent ceux qui les attendent, pour des mariages écrits en enfer ; sonne lentement le glas pour des morts dont on se partage déjà les dépouilles ; appelle à la prière des hommes dont la sainteté n’est qu’une heureuse hypocrisie ; carillonne pour annoncer une nouvelle année, un pas de plus que ce monde maudit a fait vers le néant. Pas de cloche, pas de prières pour moi ; qu’on me jette sur un fumier, et que j’y pourrisse en liberté.

Ralph montra le poing au ciel sombre et menaçant, et referma la fenêtre.

La pluie battit les vitres, les cheminées chancelèrent sur leur base, le vent s’engouffra dans la chambre, et la fenêtre craqua comme si une main invisible se fût efforcée de l’ouvrir. Mais aucune main ne la poussait, et elle ne s’ouvrit plus…

— Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria un passant ; ces Messieurs disent qu’ils ne peuvent se faire entendre de personne, et qu’ils essayent depuis deux heures. — Et cependant, dit un autre, il est rentré hier, car il a parlé à quelqu’un par cette fenêtre.

Après quelques instants d’attente, quelques individus se décidèrent à faire le tour de la maison et à entrer par une croisée.

Ils visitèrent les chambres, ouvrirent les volets, et, ne trouvant personne, ils hésitaient à poursuivre leurs recherches, quand l’un d’eux fit observer qu’ils n’avaient pas encore été au grenier. Comme c’était là qu’on avait aperçu Ralph en dernier lieu, ils se décidèrent à y monter, sans bruit et à pas lents, car le mystérieux silence de la maison les intimidait.

Ils restèrent un moment sur le carré à se regarder les uns les autres ; mais celui qui avait proposé de monter entr’ouvrit la porte, regarda et recula aussitôt.

— C’est étrange, murmura-t-il ; il se cache derrière la porte : voyez !