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NICOLAS NICKLEBY.

On tint conseil ; on arriva à conclure que Squeers, instrument de Gride et de Ralph, cherchait à recouvrer certaines pièces qu’il était dangereux de produire, et dont quelques-unes expliqueraient sans doute les propos que Newman avait entendu tenir au sujet de Madeleine.

Il fut décidé qu’on s’assurerait de la personne de Peg Sliderskew, et même de celle de Squeers, si l’on trouvait contre lui des charges suffisantes. En conséquence, on obtint un mandat de perquisition, et l’on se mit en embuscade. Lorsque la lumière fut éteinte dans la chambre de Squeers, et que l’heure fut arrivée où l’on savait qu’il visitait ordinairement Peg Sliderskew, Frank Cheeryble et Newman se glissèrent dans l’escalier, et se préparèrent à donner le signal à l’agent de police.

Le lecteur sait ce qui se passa dans la mansarde. Squeers, étourdi du coup qu’il avait reçu, trouvé en possession d’un acte volé, fut arrêté avec Peg Sliderskew. Aussitôt on courut chez Snawley ; on lui apprit, sans lui dire pourquoi, que Squeers était en prison, et, après avoir extorqué une promesse de grâce, Snawley déclara que l’histoire de la naissance de Smike avait été fabriquée par Ralph Nickleby.

Quant à M. Squeers, il avait subi le matin même un interrogatoire devant un juge d’instruction ; et comme il ne pouvait expliquer ni la possession de l’acte volé, ni ses rapports avec Peg Sliderskew, le juge avait ordonné de le détenir préventivement.

Quelque impression que ces détails eussent produite sur Ralph, il ne la laissa point percer, et demeura les yeux baissés et la bouche couverte de sa main. Quand le récit fut terminé, il leva précipitamment la tête, comme pour parler ; mais, sur un mouvement de Charles Cheeryble, il reprit sa première attitude.

— Je vous ai dit ce matin que je venais accomplir une mission de miséricorde ; vous savez mieux que moi la part que vous avez prise à ce faux et les révélations que vous avez à craindre de votre complice actuellement détenu. La justice doit avoir son cours ; les auteurs de cette odieuse trame contre un pauvre enfant inoffensif doivent être rigoureusement poursuivis, et il n’est ni en mon pouvoir, ni au pouvoir de mon frère Edwin, de vous sauver des conséquences d’un procès criminel. Tout ce que nous pouvions faire, c’était de vous avertir à temps, et de vous mettre à même de vous dérober aux poursuites. Nous n’aurions pas voulu voir un vieillard comme vous déshonoré et châtié par un proche parent ; nous n’aurions pas voulu le voir oublier comme vous tous les liens du sang. Nous vous conjurons donc de quitter Londres… Edwin, joignez vos instances aux miennes, et vous aussi, Tim Linkinwater, quoique vous affectiez un air d’insensibilité… Nous vous en prions,