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NICOLAS NICKLEBY.

ments, demanda si l’on avait vu un étranger, le chercha lui-même dans le verger et aux alentours ; mais ses perquisitions n’eurent aucun résultat. Persuadé que ses conjectures étaient fondées, il redoubla de zèle pour dissiper les craintes de Smike, et y parvint au bout de quelque temps, mais sans les détruire complètement ; car Smike déclara à plusieurs reprises, de la manière la plus solennelle, qu’il avait réellement revu l’homme dont il avait tracé le portrait.

Nicolas commençait à voir qu’il n’y avait plus d’espoir, et que le compagnon de sa misère et de son bien-être allait bientôt quitter le monde. Les douleurs de Smike n’étaient pas vives, mais l’énergie vitale était détruite en lui. Il était au dernier degré de l’épuisement, et sa voix était si faible qu’on l’entendait à peine. Il s’était couché pour ne plus se relever.

C’était un beau jour d’automne ; tout était en paix ; l’air frais et doux entrait à flots purs par la fenêtre ouverte, et l’on n’entendait que le bruissement des feuilles. Nicolas était assis au chevet de Smike, et savait que l’heure fatale approchait. Tout était si calme, que de temps en temps il inclinait l’oreille pour écouter la respiration du malade, s’assurer qu’il y avait encore là de la vie, et que Smike n’était pas tombé dans ce profond sommeil dont on ne se réveille pas sur la terre. Cependant Smike ouvrit les yeux, et un sourire paisible erra sur ses traits pâles.

— Vous êtes mieux, dit Nicolas, le sommeil vous a fait du bien.

— J’ai eu de si beaux rêves !

— Qu’avez-vous donc rêvé ?

Le mourant se tourna vers lui, lui passa les bras autour du cou, et répondit :

— Je serai bientôt là-haut… Il reprit après un court silence : — Je n’ai pas peur de mourir, je suis heureux ; je crois presque que si je pouvais me rétablir, je ne le voudrais pas maintenant. Vous m’avez dit si souvent que nous nous retrouverions un jour, et je sens si vivement cette vérité, que je supporterai même la douleur de me séparer de vous.

Il tremblait en prononçant ces mots, ses yeux étaient humides, et il étreignait avec plus de force le bras de son ami, qui n’était pas moins profondément ému.

— Vos paroles me consolent, reprit Nicolas, répétez-moi que vous êtes heureux. — Il faut que je vous dise quelque chose d’abord, je ne dois pas avoir de secret pour vous ; je sais qu’à ce moment suprême vous ne m’adresserez aucun reproche. Vous m’avez demandé pour quoi j’étais si changé, et pourquoi je restais si souvent seul ; faut-il vous dire pourquoi ? — Non, si cet aveu vous est pénible ; je ne vous