Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
NICOLAS NICKLEBY.

et… j’oublie la moitié de ce dont j’ai besoin, mais elle redescendra. Qu’elle aille chercher cela d’abord. Allons, Madeleine, vite, vite : que vous êtes lente ! — Il ne songe pas à ce dont elle a besoin ! pensa Nicolas.

Sa physionomie trahit sans doute quelque chose de ses pensées ; car le malade se tourna brusquement vers lui, et lui demanda s’il voulait un reçu.

— Je n’y tiens pas, dit Nicolas. — Vous n’y tenez pas ! Qu’entendez-vous par là Monsieur ? Vous n’y tenez pas ! Croyez-vous que vous nous apportez votre argent à titre de bienfait ou en échange d’une valeur ? Pensez-vous donner votre argent en pure perte ? Savez-vous que vous parlez à un gentleman, Monsieur, à un gentleman qui a possédé de quoi acheter cinquante individus comme vous, cinquante fortunes comme la vôtre ? Quelles sont vos intentions ? — Mes intentions, dit Nicolas, sont uniquement de faire plusieurs affaires de commerce avec cette dame, si elle me le permet, et de ne pas exiger d’elle des formalités gênantes. — Eh bien ! Monsieur, nous prétendons nous astreindre à toutes les formalités possibles. Ma fille, Monsieur, n’a besoin des bontés de personne ; veuillez ne point sortir des bornes de votre métier. Faut-il qu’elle soit exposée à la compassion du moindre commerçant ? Madeleine, ma chère, donnez-lui un reçu, et ayez soin de lui en donner toujours.

Pendant qu’elle feignait d’écrire la quittance, Nicolas réfléchissait au caractère singulier, mais assez commun, qu’il avait sous les yeux. Le malade, qui semblait en proie à de vives souffrances corporelles, se renversa dans sa chaise, et murmura d’une voix plaintive que la domestique était sortie depuis une heure, et que tout le monde conspirait pour le tourmenter.

— Eh bien ! dit Nicolas en prenant la quittance, quand reviendrai-je ?

Ces paroles étaient adressées à la fille ; mais le père se chargea de répondre.

— Quand on vous priera de revenir, Monsieur, et pas avant ; ne vous rendez pas importun. — Si je m’abaissais, Monsieur, à demander des secours à des gens que je méprise, un intervalle de trois ou quatre mois, de trois ou quatre ans entre leurs visites, ne serait point trop long pour moi ; mais comme je ne me suis pas mis volontairement sous la dépendance d’autrui, vous pouvez repasser dans huit jours.

Nicolas s’inclina, et sortit en méditant sur les idées d’indépendance de M. Bray et souhaitant ardemment que peu d’esprits indépendants à la manière du sien animassent l’argile humaine.

En descendant l’escalier, il entendit un pas léger derrière lui, et vit la jeune fille qui le regardait timidement, et semblait se demander si elle devait le rappeler. Le