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NICOLAS NICKLEBY.

— Calomnie nouvelle ! s’écria Squeers. Vous ne valez pas un coup de pistolet, voyez-vous ; mais je vous rattraperai d’une manière ou d’une autre.

Snawley allait parler.

— Arrêtez, dit Ralph, terminons promptement cette affaire, et ne prostituons pas nos paroles. C’est votre fils, comme vous pouvez le prouver ; et vous, monsieur Squeers, vous reconnaissez cet enfant pour le même que vous avez gardé si long temps sous le nom de Smike. — Si je le reconnais !… certainement. — Bien ! quelques mots suffiront. Vous aviez un fils de votre première femme, monsieur Snawley ? — Oui, le voici. — Nous le démontrerons tout à l’heure. — Votre femme se sépara de vous, et garda l’enfant, âgé d’un an ; vous reçûtes d’elle, après un ou deux ans de séparation, la nouvelle que l’enfant était mort, et vous y ajoutâtes foi. — C’est cela. Oh ! joies de… — De la raison, je vous prie. Vos transports sont hors de saison. Cette femme mourut il y a environ un an et demi, femme de charge dans une famille. Est-ce vrai ? — Très-vrai. — À son lit de mort elle vous écrivit une lettre, qui, ne portant que votre nom sans adresse, ne vous est parvenue que depuis quelques jours ? — C’est de la dernière exactitude. — Elle vous écrivait que la mort de l’enfant était imaginaire ; que cette fausse nouvelle entrait dans le système d’hostilité que vous paraissiez avoir adopté l’un envers l’autre ; que l’enfant vivait, mais qu’il était faible d’intelligence ; qu’elle l’avait fait placer par une personne de confiance dans une pension d’Yorkshire ; qu’elle avait fait payer pendant quelques années les frais de son éducation, mais qu’étant pauvre et loin de son fils, elle avait fini par l’abandonner ? Elle terminait en implorant votre pardon ?

Snawley fit un signe affirmatif, et s’essuya les yeux.

— La pension était celle de M. Squeers, l’enfant y avait été laissé sous le nom de Smike ; toutes les indications sont exactes ; les dates s’accordent avec celles des livres de M. Squeers. M. Squeers demeure actuellement chez vous. Vous avez deux autres enfants en pension chez lui ; vous lui avez fait part de votre découverte ; il vous a amené à moi comme à celui qui lui avait recommandé le ravisseur de votre fils, et je vous ai amené ici. Est-ce cela ? — Vous parlez comme un bon livre qui ne contient que des vérités, Monsieur. — Voici votre portefeuille, l’acte de votre premier mariage, l’acte de naissance de l’enfant, deux lettres de votre femme, et plusieurs autres papiers qui viennent à l’appui de ces documents, n’est-ce pas ? — Oui, Monsieur. — Et vous ne vous opposez pas à ce qu’on les examine, pour mettre ces gens à même de se convaincre que, devant la loi et devant la raison, vous êtes en droit de réclamer votre fils, et que vous pouvez de suite exercer sur lui