Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
NICOLAS NICKLEBY.

Le page obéit.

— Sortez, Alphonse.

Mais si jamais un Alphonse porta Gros-Jean ou Guillaume écrit sur sa figure, c’était certainement celui dont il s’agit.

— J’ai osé vous rendre visite, Madame, dit Catherine au bout de quelques secondes d’un pénible silence, après avoir vu votre avertissement. — Oui, répondit madame Wititterly, l’un de mes gens l’a mis dans le journal. — J’ai pensé, reprit modestement Catherine, que si vous n’aviez pas déjà fait un choix, vous me pardonneriez de vous avoir dérangée. — Oui, répéta madame Wititterly d’un ton languissant. — Si vous avez déjà fait un choix… — Oh ! mon Dieu, non ; je ne m’accommode pas si facilement. Avez-vous déjà été dame de compagnie ?

Madame Nickleby, qui attendait avec anxiété l’occasion de parler, intervint adroitement.

— Elle n’a pas été dame de compagnie chez des étrangers, Madame ; mais elle a été ma compagne depuis longues années, je suis sa mère. — Oh ! dit madame Wititterly, je vous comprends. — Je vous assure, Madame, reprit madame Nickleby, qu’il fut un temps je ne croyais guère qu’un jour ma fille aurait besoin de chercher des appuis dans le monde, car son pauvre cher papa était indépendant, et le serait encore s’il avait seulement écouté à temps mes supplications constantes et… — Chère maman… dit Catherine à voix basse. — Ma chère Catherine, si vous voulez me laisser parler, je prendrai la liberté d’expliquer à Madame… — Je crois que c’est inutile, maman.

Malgré tous les signes au moyen desquels madame Nickleby cherchait à faire comprendre qu’elle allait dire quelque chose de concluant pour l’affaire en question, Catherine persista, et un regard expressif arrêta madame Nickleby au milieu de sa harangue.

— Que savez-vous ? demanda madame Wititterly les yeux demi-fermés.

Catherine rougit en mentionnant ses principaux talents, et sa mère les compta un à un sur ses doigts, et en eut supputé le nombre avant que sa fille terminât. Heureusement les deux calculs se trouvèrent d’accord, et madame Nickleby n’eut aucun prétexte pour parler.

— Vous êtes d’un bon caractère ? demanda madame Wititterly en ouvrant les yeux un instant pour les refermer aussitôt. — Je l’espère, répondit Catherine. — Et vous avez un bon répondant ?

Catherine répondit affirmativement, et déposa sur la table la carte de son oncle.