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pour la punir du péché qu’elle avait commis le jour du théâtre d’Astley et des huîtres, qu’il s’amusait à la lutiner et à la tourmenter.

Instruit d’avance par une lettre du retour prochain de mistress Nubbles, Kit attendait sa mère au bureau de la diligence, grande fut sa surprise quand il aperçut la figure bien connue de Quilp qui regardait par-dessus l’épaule du conducteur comme un démon familier, invisible à tout autre œil qu’au sien.

« Comment vous portez-vous, Christophe ? croassa le nain du haut de son impériale. Tout va bien, Christophe. Votre mère est là dedans.

— Par quel hasard est-il là, ma mère ? dit Kit à demi-voix.

— J’ignore pourquoi ni comment, mon cher enfant, répondit mistress Nubbles en descendant de voiture à l’aide du bras de son fils ; mais toute la sainte journée il n’a cessé de me terrifier à m’en faire perdre les sens.

— En vérité ? … s’écria Kit.

— C’est au point que vous ne voudriez pas le croire, répliqua sa mère. Mais ne lui dites pas un mot ; car réellement je ne sais pas si c’est un homme. Chut ! ne vous tournez pas comme si je vous parlais de lui… Justement, il vient de se mettre sous le plein rayon de la lanterne de la diligence pour me faire ses yeux louches et effrayants ! … »

Nonobstant la prière maternelle, Kit se tourna vivement pour regarder.

Mais M. Quilp tenait déjà tranquillement ses yeux levés vers les étoiles, et paraissait absorbé par la contemplation des corps célestes.

« Oh ! l’artificieuse créature ! … s’écria mistress Nubbles. Mais venez. Pour tout au monde ne lui parlez pas.

— Si, ma mère, si, je veux lui parler. Quelle faiblesse ! … Dites donc, monsieur… »

M. Quilp affecta de tressaillir et de regarder autour de lui en souriant.

« Voulez-vous bien laisser ma mère tranquille, s’il vous plaît ? dit Kit. Comment osez-vous tourmenter une pauvre femme seule comme elle, et la rendre triste et malheureuse, quand elle a déjà bien assez de motifs pour l’être sans vous ! … N’êtes-vous pas honteux de votre conduite, petit monstre ? …