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leur retour, que leur fuite soit venue du fait du vieillard ou de celui de l’enfant. »

Le gentleman avait écouté tous ces détails de l’air d’un homme accablé par le chagrin et trompé dans son attente. Des larmes lui vinrent aux yeux quand on parla du grand-père, et il parut éprouver une affliction profonde.

Pour ne pas trop étendre cette partie de notre récit, et afin d’abréger cette longue histoire, disons en peu de mots qu’avant la fin même de l’entrevue le gentleman parut comprendre qu’il en avait assez entendu pour être convaincu de la sincérité de ces renseignements, et qu’il s’efforça de faire agréer aux deux mariés une marque de sa reconnaissance pour la bienveillance qu’ils avaient témoignée à l’enfant sans ressources ; mais l’un et l’autre refusèrent d’accepter ce présent. À la fin, l’heureux couple partit avec force cahots dans la caravane pour aller passer sa lune de miel en excursions champêtres, tandis que le gentleman et la mère de Kit se tenaient tristement devant la portière de leur voiture.

« Où allons-nous, monsieur ? demanda le postillon.

— Menez-moi, dit le gentleman, au D… »

Il ne voulait certainement pas dire : « à l’auberge ; » mais il substitua ce mot par respect pour la mère de Kit, et ils se rendirent à l’auberge.

Déjà le bruit s’était répandu au dehors que la petite jeune fille qui montrait les figures de cire était l’enfant d’une grande famille, à laquelle on l’avait soustraite dès son bas âge, et qui venait seulement de retrouver ses traces. L’opinion publique se divisait sur la question de savoir si c’était la fille d’un prince, ou d’un duc, ou d’un comte, ou d’un vicomte, ou d’un baron ; mais on était unanimement d’accord sur le fait principal, et l’on s’accordait à reconnaître le gentleman pour son père. Chacun s’avança pour jeter sur lui un regard, bien qu’on ne pût voir que le bout de son noble nez, pendant qu’il s’éloignait dans sa chaise de poste à quatre chevaux, accablé sous le poids de sa douleur.

Que n’eût-il pas donné pour savoir (et que de chagrin cela ne lui eût-il pas épargné) qu’en ce moment même l’enfant et son grand-père étaient assis sous le porche d’une vieille église, attendant patiemment le retour du maître d’école !