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s’arrêter à l’auberge pour changer de chevaux ; le cocher, moyennant une petite rétribution, donnerait à Nelly une place dans l’intérieur. Le marché fut promptement conclu à l’arrivée de la diligence ; puis la voiture repartit avec l’enfant confortablement installée parmi les paquets les moins durs, le grand-père et le maître d’école se mirent à côté du conducteur, tandis que l’hôtesse et tous les braves gens de l’auberge jetaient au vent leurs adieux et leurs souhaits affectueux.

Quelle douce, fastueuse et commode façon de voyager, que d’être couché à l’intérieur de cette montagne mollement agitée ; que d’ouïr le tintement des grelots des chevaux, le claquement du fouet que le cocher fait retentir de temps en temps, le grondement sourd des hautes et larges roues, le frôlement des harnais, l’affectueuse : bonne nuit ! des piétons qui dépassent les chevaux, lorsque l’attelage va au petit pas ! Le vague, même des idées n’est pas sans charme sous l’épaisse toiture qui semble faite pour protéger la rêverie indolente du voyageur jusqu’au moment où il s’endort ! Le sommeil aussi a ses charmes ; la tête balancée sur le coussin, le voyageur garde l’idée confuse qu’il avance, qu’il est transporté sans trouble ni fatigue, et perçoit tous ces bruits divers comme la musique d’un rêve qui amuse ses sens. Vient-il à s’éveiller doucement ? il se surprend à regarder à travers le rideau à moitié tiré et agité par le vent : son œil se lève vers le ciel brillant et froid où étincellent des étoiles innombrables, puis s’abaisse sur la lanterne du cocher, faible luminaire qui sautille et se balance, comme le feu follet des marais ; sur les côtés de la route, il passe en revue les arbres noirs et sévères ; en avant, c’est la route elle-même qui, longue et nue, s’étend, s’étend, s’étend, jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée brusquement par une montée rapide et escarpée, comme si au delà il n’y avait plus de route, mais seulement l’horizon. Et la halte à l’auberge où l’on va se restaurer ! Être bien accueilli, passer dans une bonne chambre où l’on trouve du feu et des lumières, bien clore ses yeux, et se rappeler, souvenir agréable, que la nuit était froide, se la figurer plus froide encore pour ajouter au bien-être qu’on éprouve à présent ! Quel délicieux voyage qu’un voyage en diligence !

On repart : d’abord on est frais et alerte, puis on tombe d’assoupissement. On est tiré de son profond sommeil, lorsque la malle-poste vient à passer bruyamment, telle qu’une comète