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CHAPITRE VIII.


Dans tout le cours de leur voyage, Nelly et le vieillard n’avaient jamais plus que maintenant désiré ardemment, appelé de leurs vœux, de leurs soupirs l’air libre et pur de la pleine campagne. Non, pas même dans cette mémorable matinée où, quittant leur vieille maison, ils s’abandonnèrent à la merci d’un monde inconnu et laissèrent derrière eux les objets muets et inanimés qu’ils avaient connus et aimés ; pas même alors ils ne s’étaient sentis, comme maintenant, émus et entraînés vers les fraîches solitudes des bois, vers les pentes des collines, les champs enfin, à présent que le bruit, la saleté, la vapeur, ces exhalaisons de la grande cité manufacturière, en se joignant à la dernière misère, à la faiblesse et à l’inanition, les entouraient de tous côtés et semblaient leur interdire toute espérance, leur fermer et leur murer l’avenir.

« Deux jours et deux nuits ! pensait l’enfant. Il a dit que nous aurions à passer deux jours et deux nuits au milieu de tableaux semblables à ceux-ci. Oh ! si nous vivions assez pour gagner une fois encore la campagne, si nous pouvions échapper à cet affreux endroit, ne fût-ce que pour nous coucher et mourir, avec quel cœur reconnaissant je remercierais Dieu pour un si grand bienfait ! »

C’est avec des pensées semblables, avec un vague projet d’aller à une grande distance par delà les fleuves et les montagnes, là où vivaient seulement des gens pauvres et simples de cœur, là où elle pourrait subsister avec le vieillard en portant leur humble part de travail dans les fermes et où ils seraient affranchis des terreurs qu’ils avaient fuies ; c’est ainsi, disons-nous, que l’enfant, sans autre ressource que le don d’un pauvre homme, sans autre appui que celui qu’elle tirait de son cœur et du sentiment d’avoir agi selon son droit et son devoir, s’encourageait elle-même à ce dernier voyage et poursuivait courageusement sa tâche.

— Nous irons bien lentement, cher père, dit-elle, tandis qu’ils s’acheminaient péniblement à travers les rues ; mes pieds sont