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haut d’un grand bateau pesamment chargé qui avait été amarré à la berge, tandis que nos voyageurs dormaient. Le bateau n’avait ni rames, ni voiles ; mais il était tiré par une couple de chevaux qui, en ce moment, stationnaient sur le chemin de halage, pendant que la corde qui les retenait était détendue et traînait dans l’eau.

« Holà ! dit brusquement l’homme ; qu’est-ce que c’est, hein ? …

— Nous étions simplement endormis, monsieur, répondit Nelly. Nous avons marché toute la nuit…

— Voilà deux étranges voyageurs pour marcher toute la nuit, fit observer l’homme qui les avait accostés d’abord. L’un de vous est un bonhomme trop vieux pour cette sorte de besogne, et l’autre estune petite créature trop jeune. Où allez-vous ? »

Nell hésita, et à tout hasard elle montra l’ouest. Là-dessus, l’homme lui demanda si elle voulait désigner certaine ville qu’il nomma. Pour éviter de nouvelles questions, Nell répondit :

« Oui, c’est cela.

— D’où venez-vous ? » demanda-t-il ensuite ; et comme il était plus facile de répondre à cette question qu’à la précédente, Nell prononça le nom du village qu’habitait leur ami le maître d’école, pensant bien que ces hommes ne le connaîtraient pas et renonceraient à pousser plus loin leurs questions.

« Je croyais d’abord qu’on pouvait vous avoir volée ou maltraitée, reprit l’homme. C’est tout. Bonjour. »

Lui ayant rendu son salut et grandement soulagée en le voyant s’éloigner, Nell le suivit de l’œil tandis qu’il montait sur un des chevaux et que le bateau s’éloignait. L’équipage n’avait pas fait encore grand chemin, quand il s’arrêta de nouveau ; l’enfant vit l’homme lui adresser des signes.

« Est-ce que vous m’appelez ? dit Nell se dirigeant vers les bateliers.

— Vous pouvez venir avec nous si cela vous convient, répliqua l’un d’eux. Nous allons au même endroit que vous. »

L’enfant hésita un moment. Mais elle pensa, comme elle l’avait fait déjà plus d’une fois avec terreur, que les misérables qu’elle avait surpris avec son grand-père pourraient, dans leur ardeur pour le gain, suivre les traces des fugitifs, ressaisir leur influence sur le vieillard et mettre la sienne à néant ; elle se dit qu’au contraire s’en aller avec ces bateliers c’était supprimer tout