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à son bras. Le vieillard reçut d’elle son bissac qu’il jeta sur son dos, son bâton qu’elle avait apporté, puis Nelly le fit sortir.

Ils traversèrent des rues resserrées, des ruelles étroites ; leur pas était à la fois timide et rapide. Ils gravirent aussi, toujours courant, la colline escarpée, couronnée par le vieux château noir, sans s’être seulement retournés pour jeter un regard derrière eux.

Mais comme ils approchaient des murs en ruine, la lune se leva dans tout son éclat ; et alors, du pied de ce monument garni de lierre, de mousse et d’herbes grimpantes, l’enfant contempla la ville endormie, couchée dans l’ombre de la vallée ; puis plus loin la rivière avec ses sillages mouvants de lumière, puis encore les collines lointaines ; et pendant ce temps elle pressait moins fortement la main du vieillard, quand tout à coup, fondant en larmes, elle se jeta au cou de son grand-père.






CHAPITRE VI.


Cette faiblesse momentanée une fois passée, l’enfant évoqua de nouveau la résolution qui l’avait soutenue jusqu’alors ; et ne perdant pas de vue cette idée salutaire, que c’était le crime des hommes qui précipitait sa fuite, que de sa seule fermeté dépendait le salut de son grand-père, sans qu’elle eût pour s’aider l’appui d’un bon conseil ou d’une main secourable, elle pressa le pas de son compagnon et s’interdit de regarder désormais en arrière.

Tandis que le vieillard, soumis et abattu, semblait se courber devant elle, se faire humble et petit comme s’il était en présence de quelque être supérieur, l’enfant éprouvait en elle-même un sentiment nouveau qui élevait sa nature et lui inspirait une énergie et une confiance qu’elle ne s’était jamais connues. Maintenant la responsabilité ne se divisait plus : le poids tout entier de leurs deux existences retombait sur Nelly, et désormais c’était elle qui devait penser et agir pour deux.

« C’est moi qui l’ai sauvé, pensait-elle. Dans tous les dangers, dans toutes les épreuves, je saurai m’en souvenir. »