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pandait autour d’elle, lorsqu’au loin l’horloge d’une église sonna neuf heures. Nelly se leva, se remit à marcher et se dirigea pensive vers la ville.

Elle avait atteint un petit pont de bois jeté au-dessus du courant, quand elle aperçût tout à coup, sur la prairie qu’elle devait prendre, une lumière rouge, et, regardant avec plus d’attention, reconnut qu’elle partait, selon toute apparence, d’un camp de bohémiens qui avaient allumé un feu à une petite distance du chemin, et s’étaient assis ou couchés tout autour. Trop pauvre pour avoir rien à craindre d’eux, Nelly continua son chemin. Il lui eût fallu d’ailleurs, pour en prendre un autre, allonger considérablement sa route ; seulement elle ralentit son pas.

Quand elle fut proche du feu du bivouac, un mouvement de curiosité timide la poussa à y jeter un regard. Entre elle et le foyer il y avait une figure dont le contour se dessinait en courbe marquée vers le feu. À cette vue, Nelly s’arrêta brusquement ; mais après avoir réfléchi et s’être dit, ou même s’être assurée, à ce qu’elle croyait, que ce n’était ni ne pouvait être la personne qu’elle avait supposée, elle passa outre.

Cependant l’entretien qui avait été entamé devant le feu des bohémiens reprit son cours ; et Nelly, bien qu’elle ne pût distinguer les paroles, fut alors frappée du son de voix de celui qui parlait, une voix qui lui était aussi familière que la sienne même.

Elle se retourna et regarda derrière elle. La personne que cherchaient ses yeux venait de se lever, et, debout, le corps un peu incliné, elle s’appuyait sur un bâton qu’elle tenait à deux mains. Cette attitude n’était pas moins connue de Nelly que le son de la voix.

C’était son grand-père.

Le premier mouvement de l’enfant fut d’appeler le vieillard ; le second, de se demander quels pouvaient être ses compagnons et dans quelle intention ils se trouvaient là réunis, une crainte vague d’abord, puis le désir violent d’éclaircir ses doutes, rapprocha Nelly du groupe présent à ses yeux : toutefois elle eut soin de dissimuler ses pas, et de se glisser le long d’une haie.

Elle put de là arriver jusqu’à quelques pieds seulement du bivouac, et, cachée entre de jeunes arbres, voir et entendre à la fois sans craindre d’être aperçue.

Là il n’y avait ni femmes ni enfants, comme elle en avait remar-