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Kit était resté immobile au milieu de la rue ; il les suivit du regard. Lui aussi il avait les larmes aux yeux, mais ces larmes n’étaient point causées par le départ dont il venait d’être témoin, elles coulaient à l’idée du retour qu’il prévoyait déjà.

« Ils se sont éloignés à pied, pensait-il, et personne n’était là pour leur parler, pour leur adresser un adieu amical : ils reviendront traînés par quatre chevaux, avec ce riche gentleman pour compagnon et pour ami, laissant derrière eux tous leurs soucis ! Elle oubliera peut-être que c’est elle qui m’a appris à écrire… »

Je ne sais pas tout ce que Kit s’avisa de penser là-dessus, mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il y mit le temps : en effet, notre garçon resta à contempler les lignes brillantes des réverbères, bien après que la chaise de poste eut disparu ; et quand il rentra enfin dans la maison, le notaire et M. Abel, qui étaient eux-mêmes restés sur le seuil de la porte jusqu’à ce que le bruit des roues se fut complètement éteint dans l’éloignement, s’étaient déjà demandé plusieurs fois avec étonnement quel motif pouvait le retenir encore.






CHAPITRE V.


Il convient maintenant que nous laissions pendant quelque temps Kit pensif, et plein d’impatience, pour suivre les aventures de la petite Nelly ; nous allons reprendre le fil de notre récit là où nous l’avons quitté à plusieurs chapitres d’intervalle.

Dans une de ses promenades du soir, tandis que Nelly, suivant les deux sœurs à distance respectueuse, trouvait dans sa sympathie pour elles, et dans la contemplation de leurs peines qui offraient une ressemblance fraternelle avec son propre isolement, une sorte de soulagement et de calme remplis d’un bonheur momentané, mais profond, bien que ce doux plaisir qu’elle avait à les voir fût de ceux qui naissent et s’éteignent dans les larmes ; dans une de ses promenades, disons-nous, à l’heure paisible du crépuscule, lorsque le ciel, la terre, l’air, l’eau courante, le son des cloches éloignées, tout était en har-