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ment, ma mère, si vous n’étiez pas ma mère, je vous en ferais honte.

— Silence ! mon cher enfant, s’écria mistress Nubbles, je sais bien que vous ne pensez pas ce que vous dites ; mais c’est égal, vous parlez là comme un pécheur.

— Je ne pense pas ce que je dis ! repartit Kit. Certainement que je le pense ! Je ne puis croire, ma mère, que l’innocente gaieté et que la bonne humeur soient considérées dans le ciel comme de plus grands péchés que des cols de chemise, et ces gens-là ne montrent ni raison ni bon sens en voulant supprimer les derniers, ou en interdisant le reste ; certainement si, je le pense. Mais, je n’ajouterai pas un mot de plus sur ce sujet, si vous me promettez de ne plus pleurer ; ce sera tout. Prenez le poupon, qui est plus léger, et donnez-moi le petit Jacob. Tout en marchant, et tâchons que ce soit le plus vite possible, je vous communiquerai les nouvelles que j’apporte et qui vous surprendront un peu, je vous en avertis. Là, c’est bien. Maintenant, vous voilà comme si vous n’aviez vu de toute votre vie le Petit-Béthel, et j’espère bien que vous ne le reverrez plus. Voilà aussi le poupon, très-bien. Petit Jacob, montez sur mon dos à califourchon et tenez mon cou bien serré ; et si par hasard le ministre du Petit-Béthel vous appelle un précieux agneau, vous ou votre frère, vous pourrez bien dire que c’est la plus grande vérité qui lui soit sortie de la bouche depuis un an, et que s’il voulait bien ne pas assaisonner son agneau à la sauce au poivre, il n’en vaudrait que mieux, pour être moins piquant et moins aigre. Jacob, vous pouvez lui dire ça de ma part. »

C’est ainsi que moitié gaiement, moitié sérieusement, déterminé à se montrer de bonne humeur, pour en donner aussi à sa mère et aux enfants, Kit les mena d’un bon pas. Chemin faisant, il raconta ce qui s’était passé chez le notaire, et exposa le but pour lequel il était venu se jeter au travers des solennités du Petit-Béthel.

La mère ne fut pas médiocrement effrayée en apprenant le service qu’on attendait d’elle : elle tomba tout d’abord dans un chaos d’idées, où ce qu’elle voyait de plus clair, c’est que de voyager en chaise de poste, ce serait sans doute pour elle un grand honneur, une grande distinction, mais qu’il était moralement impossible de laisser là ses enfants. Et combien