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pas rapide le long des trottoirs, passant au travers des allées et des ruelles, et ne s’arrêtant ni ne se détournant de sa route jusqu’à ce qu’il fût arrivé près de la boutique d’antiquités : là il fit une pause, moitié par habitude, moitié pour reprendre haleine.

C’était par une sombre soirée d’automne, et jamais ce lieu ne lui avait paru plus triste que dans l’ombre lugubre du crépuscule. Les fenêtres brisées, les châssis détraqués craquant dans leurs cadres, cette maison déserte qui formait une sorte d’interruption sinistre dans la lumière et le mouvement de la rue qu’elle coupait en deux longues lignes séparées, au milieu desquelles elle s’élevait froide, ténébreuse et vide, tout cela présentait un tableau de désolation qui traversait péniblement les rêves brillants que le jeune homme avait conçus pour les derniers habitants de cette maison ; il ne voyait partout que désenchantement et malheur. Ah ! qu’il eût aimé à voir un bon feu ronfler dans les cheminées glacées, des flambeaux illuminer les croisées, des figures aller et venir derrière les vitres, à entendre le bruit d’une conversation animée, quelque chose enfin qui fût à l’unisson des espérances nouvelles qu’il avait senties s’agiter dans son cœur ! Il ne s’était pas attendu à trouver à la maison un aspect différent, car il savait bien que c’était impossible ; mais ce spectacle de deuil tombant au milieu de ses pensées ardentes et de ses souhaits impatients, en arrêtait brusquement le cours pour y jeter une ombre pleine de deuil et de tristesse.

Cependant, bien heureusement pour lui, il n’avait ni assez de savoir, ni assez de poésie contemplative dans l’esprit pour en concevoir de fâcheux présages d’avenir, et grâce à ce qu’il lui manquait ces lunettes mentales pour éclaircir sa vision, il ne vit rien autre chose qu’une maison en ruine qui formait un fâcheux désaccord avec ses pensées précédentes. Ainsi, tout en regrettant d’être obligé de passer outre sans se rendre compte de son impression, il reprit sa course et redoubla de célérité pour regagner les quelques moments qu’il avait perdus.

« Et maintenant, se dit-il, à mesure qu’il approchait du pauvre logis de sa mère, si elle était sortie, si je ne pouvais pas la trouver, cet impatient gentleman me recevrait joliment ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne vois pas de lumière et que la porte est fermée. Dieu me pardonne, s’il y a là dedans du Petit-