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huîtres. Naturellement, il y avait un Abel, le filleul de M. Garland fils ; il y avait un Dick, également filleul de M. Swiveller. Le petit groupe d’enfants se réunissait souvent le soir autour du père, en le priant de raconter encore l’histoire de cette bonne miss Nell, qui était morte. Kit la leur racontait ; et, quand les enfants pleuraient après l’avoir entendue, regrettant qu’elle ne fût pas plus longue, il leur disait qu’elle était montée au ciel, où vont tous les braves gens, et que, s’ils étaient bons comme elle, ils pouvaient espérer d’aller aussi un jour au ciel, où ils pourraient la voir et la connaître comme il l’avait vue et connue lui-même du temps qu’il n’était encore qu’un tout petit garçon. Puis il leur racontait combien alors il était pauvre, comment elle lui avait enseigné ce qu’il n’avait pas le moyen d’apprendre, et comment le vieillard avait l’habitude de dire : « Elle se moque toujours de Kit ; » et alors les enfants séchaient leurs larmes et se mettaient à rire à la pensée de ce qu’avait fait cette bonne miss Nell, et ils étaient tout joyeux.

Parfois, Kit les conduisait jusqu’à la rue où Nell et son grand-père avaient habité ; mais de nouvelles constructions en avaient totalement changé la physionomie. Depuis longtemps la vieille maison avait été abattue, et, à la place, on avait ouvert une belle et large voie. Les premières fois, Kit put tracer encore avec sa canne un cercle sur le sol, comme pour indiquer à ses enfants la place où avait été la maison ; mais bientôt il n’eut plus lui-même qu’un souvenir confus de cette place : tout ce qu’il put dire, c’est que ce devait être ici ou là, et que tous ces changements lui avaient brouillé l’esprit.

Telles sont les métamorphoses que produisent un petit nombre d’années, et c’est ainsi que tout passe, comme une histoire qu’on raconte.

FIN.