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plus élevé. M. Swiveller, c’est une justice à lui rendre, bien que les frais d’éducation de la marquise dussent le mettre à la gêne pour une demi-douzaine d’années au moins, ne sentit pas un instant son zèle se refroidir et se trouva toujours payé amplement par les rapports avantageux qu’il recevait, avec beaucoup de gravité, sur les progrès de la jeune élève, chaque fois qu’au bout du mois il faisait sa visite à la directrice, qui le considérait comme un gentleman aux habitudes excentriques, très-littéraire et d’une force prodigieuse sur les citations.

En un mot, M. Swiveller tint la marquise dans cette maison jusqu’à ce qu’elle eût atteint à peu près sa dix-neuvième année ; elle avait alors de bonnes manières, de l’instruction, de l’élégance. Il se demanda sérieusement, à cette époque, ce qu’il y avait maintenant à faire. Dans une de ses visites périodiques, tandis qu’il roulait cette question dans son esprit, la marquise arriva au parloir ; elle était seule, elle était plus souriante et plus fraîche que jamais : alors la pensée vint à Richard, et ce n’était pas la première fois, que si elle consentait à l’épouser, ils seraient parfaitement heureux ensemble. Richard lui posa la question, elle ne dit pas non. Au bout d’une semaine, ni plus ni moins, ils étaient mariés, ce qui permit à M. Swiveller de faire remarquer bien des fois plus tard qu’il y avait eu, avec tout cela, une jeune demoiselle qui l’avait attendu pour l’épouser.

Il y avait justement à louer un petit cottage à Hampstead avec une tabagie pour fumer, objet d’envie du monde civilisé ; ils se gardèrent bien de manquer l’occasion, et allèrent s’y établir après la lune de miel. Chaque dimanche, M. Chukster se rendait régulièrement en ce lieu de retraite pour y passer la journée ; il commençait par y déjeuner. C’était lui qui était leur grand pourvoyeur de nouvelles publiques et des cancans de la société fashionable. Durant quelques années, il continua de porter à Kit une haine à mort, protestant qu’il avait encore une meilleure opinion de lui du temps qu’on l’accusait d’avoir soustrait le billet de banque, que depuis qu’on avait reconnu pleinement son innocence ; car enfin son crime témoignait au moins chez lui d’une certaine audace, d’une certaine énergie, tandis que son innocence n’était qu’une preuve de plus de son caractère souple et artificieux. Cependant il en vint plus tard, mais combien il fallut de temps ! à se réconcilier avec lui ; il alla même jusqu’à