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pourrait le garder à vue, veiller sur lui avec soin, le tenir prisonnier enfin ; mais s’il réussissait à s’échapper, il ne manquerait pas de retourner au même lieu, ou bien c’est qu’il mourrait en route. »

Le petit garçon, à qui il avait obéi d’abord, perdit sur lui son influence. Le vieillard lui permettait parfois de marcher à ses côtés, il paraissait assez sensible à sa présence pour lui donner la main, ou même encore il s’arrêtait de temps en temps pour l’embrasser sur la joue ou pour lui caresser la tête. D’autres fois il lui enjoignait, sans rudesse, cependant, de s’éloigner, et ne supportait pas sa vue près de lui. Mais soit qu’il fût seul ou avec son docile ami, soit qu’il se trouvât avec ceux qui eussent donné tout au monde pour pouvoir lui procurer quelque consolation, quelque repos d’esprit, toujours il restait le même : il n’aimait plus rien, il ne se souciait plus de rien dans la vie. C’était un cœur brisé à tout jamais.

Un jour enfin on s’aperçut qu’il s’était levé de très-bonne heure et qu’il était parti avec son havre-sac sur le dos, son bâton à la main, emportant avec lui le chapeau de paille de Nelly avec son petit panier rempli des objets qu’elle avait coutume d’y mettre. Comme on allait se mettre à sa poursuite, on vit accourir tout effrayé un enfant de l’école qui, un moment auparavant, l’avait aperçu assis dans l’église, sur le tombeau de Nelly, dit-il.

On s’y rendit en toute hâte : et, du seuil de la porte, dont on s’était approché sur la pointe du pied, on le vit là dans l’attitude d’un homme qui attend. On se garda bien de le déranger, on laissa seulement quelqu’un pour le surveiller toute la journée. Quand descendit l’ombre du soir, le vieillard se leva, retourna au logis et se mit au lit en murmurant : « Elle viendra demain ! »

Le lendemain, il se rendit de nouveau dans l’église où il resta depuis le matin jusqu’à la nuit ; et, la nuit venue, il alla se coucher en murmurant comme la veille : « Elle viendra demain ! »

Ce fut ainsi que désormais chaque jour, et durant la journée entière, il attendit Nelly sur son tombeau. Que de fois dans la vieille, sombre et silencieuse église, il vit se dresser devant lui les brillantes visions de ce qu’avait été Nelly, de ce qu’il espérait qu’elle pouvait redevenir encore : ces tableaux d’excursions