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— C’est jour férié, mon bon monsieur, répliqua doucement le fossoyeur. Nous n’avons pas à travailler aujourd’hui.

— En ce cas, j’irai où vous voudrez, dit le vieillard se tournant vers l’enfant. Vous êtes bien sûr de ce que vous me dites ? Vous n’êtes pas capable de me tromper ? … Je suis bien changé, allez ! même depuis la dernière fois que vous m’avez vu.

— Allez en paix avec lui, monsieur, cria le fossoyeur, et que le ciel vous conduise.

— Je suis prêt, dit le vieillard d’un ton de soumission. Allons, mon enfant, allons. »

Et alors il se laissa emmener.

Voilà que la cloche retentit, la cloche que Nelly avait entendue si souvent la nuit et le jour et qu’elle écoutait avec un plaisir grave, absolument comme une voix vivante. Voilà que la cloche sonna son implacable glas pour elle, si jeune, si jolie et si bonne. La vieillesse décrépite, les hommes dans la vigueur de l’âge, la jeunesse florissante, la faible enfance, tous se précipitèrent, tous se rassemblèrent autour de la tombe de Nelly, les uns sur des béquilles, les autres dans l’orgueil de la force et de la santé, ceux-ci dans l’épanouissement des promesses de l’avenir encore à l’aube de la vie. Il y avait là des vieillards avec leurs yeux émoussés, leurs membres insensibles ; des aïeules qui eussent dû être mortes depuis dix ans, tant elles étaient déjà vieilles alors ; il y avait les sourds, les aveugles, les boiteux, les paralytiques, les morts vivants de toute taille et de toute forme, tous accourus pour voir se fermer cette tombe prématurée. Qu’était-ce que cette mort anticipée qu’on allait y ensevelir, en comparaison de cette autre mort infirme et tardive qui se traînait à peine vivante encore autour de la fosse !

On la porta le long d’un sentier encombré par la foule ; pure comme la neige nouvelle qui couvrait le sol, elle n’avait fait comme elle qu’apparaître un jour sur la terre.

Elle passa de nouveau sous ce porche où elle s’était assise quand le ciel, dans sa miséricorde, l’avait conduite vers cette retraite paisible ; la vieille église la reçut au sein de son ombre maternelle.

On la porta dans un coin où bien souvent elle s’était assise toute rêveuse, et l’on déposa soigneusement sur les dalles le précieux fardeau. La lumière s’y projetait à travers les vitraux d’une fenêtre coloriée, une fenêtre que les rameaux des arbres