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secouaient cordialement la main du vieillard, d’autres se découvraient la tête en le voyant avancer d’un pas chancelant, et s’écriaient lorsqu’il passait près d’eux : « Que Dieu l’assiste ! »

« Voisine, dit le vieillard, s’arrêtant à la porte de la chaumière qu’habitait la mère de son jeune guide, depuis quand les gens d’ici sont-ils presque tous en noir le dimanche ? J’ai vu à la plupart d’entre eux un ruban de deuil ou un morceau de crêpe. »

La femme répondit qu’elle ne savait pas pourquoi.

« Vous-même, s’écria-t-il, vous portez aussi cette couleur. Les croisées sont fermées partout, comme jamais elles ne le sont dans la journée. Qu’est-ce que cela signifie ? »

La femme répondit encore qu’elle ne savait pas pourquoi.

« Retournons-nous-en, dit impétueusement le vieillard ; il faut voir ce que c’est.

— Non, non ! cria l’enfant qui le retint. Rappelez-vous ce que vous m’avez promis. Nous avons à aller jusqu’à cette pelouse du sentier où elle me menait si souvent et où vous nous avez trouvés plus d’une fois faisant des guirlandes pour son jardin. Ne nous en retournons pas !

— Où est-elle maintenant ? demanda le vieillard. Dites-le-moi.

— Ne le savez-vous pas ? répondit l’enfant. Ne l’avons-nous pas quittée tout à l’heure.

— C’est vrai, c’est vrai. C’était elle… que nous avons quittée. »

Le vieillard appuya la main sur son front, tourna autour de lui des yeux hagards ; et, comme poussé par une pensée subite, il traversa la route et entra dans la maison du fossoyeur. Celui-ci, avec le sourd qui l’aidait dans ses travaux, était assis devant le feu. Tous deux se levèrent à la vue du vieillard.

Le jeune garçon leur fit un signe rapide de la main. Ce fut l’affaire d’un moment ; mais ce geste, et mieux encore l’expression des traits de son compagnon malheureux suffirent bien.

« Est-ce que… est-ce que vous enterrez quelqu’un, aujourd’hui ?… dit le vieillard avec anxiété.

— Non, non ! répondit le fossoyeur. Qui donc voulez-vous que nous ayons à enterrer.

— Oui, qui donc en effet ? c’est ce que je me demande.