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même si ce que je n’ose dire était arrivé, oui, même si cela était… ou devait être, puisse le ciel l’empêcher et nous épargner cette douleur ! cher frère, ne nous séparons pas, ce sera toujours une grande consolation pour nous dans notre affliction profonde. »

Peu à peu le vieillard s’était glissé vers la chambre intérieure, tandis que ces paroles lui étaient adressées. Il y jeta un regard tout en répondant d’une voix tremblante :

« Vous complotez entre vous pour lui ravir mon cœur. Vous n’y réussirez jamais ; jamais, tant que je serai vivant. Je n’ai pas d’autre parent, pas d’autre ami qu’elle ; je n’en ai jamais eu d’autre ; je n’en aurai jamais d’autre. Elle est tout pour moi. Il est trop tard pour nous séparer maintenant. »

Il les écarta du geste, et, appelant doucement Nelly tout en marchant, il s’insinua dans la chambre. Ceux qu’il avait laissés en arrière se réunirent, et, après avoir échangé quelques mots brisés par l’émotion, ils se déterminèrent à le suivre. Ils marchèrent avec assez de précaution pour ne faire aucun bruit ; mais du sein de ce groupe s’échappaient des sanglots, des gémissements douloureux, et le deuil était sur tous les visages.

Car elle était morte ! Elle reposait sur son petit lit. Le calme solennel de sa chambre n’avait plus rien d’étonnant. Tout s’expliquait.

Elle était morte. Pas de sommeil aussi beau, aussi calme, aussi dégagé de toute trace de douleur, aussi ravissant à contempler. On aurait dit une créature sortie à peine de la maison de Dieu et n’attendant que le souffle vital pour naître, plutôt qu’une créature qui eût déjà connu la vie et la mort.

Son lit était parsemé de baies d’hiver et de feuilles vertes recueillies dans un endroit qu’elle préférait.

« Quand je mourrai, mettez auprès de moi quelque chose qui ait aimé la lumière du jour et qui ait eu toujours le ciel au-dessus de soi, » telles avaient été ses paroles.

Elle était morte ! Chère, charmante, courageuse, noble Nelly ! elle était morte. Son petit oiseau, un pauvre être chétif qu’un coup de pouce eût étouffé, sautait vivement dans sa cage ; et le cœur puissant de l’enfant, sa maîtresse, était pour jamais muet et immobile.

Où étaient les traces de ses soucis prématurés, de ses souffrances, de ses fatigues ? Tout avait disparu. Le chagrin était mort en elle ; mais la paix et le bonheur parfait venaient de