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vous savoir si je suis âgé ? Peut-être pas aussi âgé que vous le pensez, l’ami. Quant à être malade, vous trouverez bien des jeunesses moins bien portantes que moi, et c’est grand dommage ; non pas que je sois robuste et actif malgré mes années, ce n’est pas là ce que je veux dire, mais que la jeunesse ne les empêche pas d’être si faibles et si fragiles. Je vous demande pardon si je vous ai d’abord parlé rudement. Mes yeux ne sont pas bien bons la nuit, mais ce n’est pas à cause de l’âge ou de la maladie ; ils n’ont jamais été bons, et je n’avais pas vu que vous êtes un étranger.

— Je suis bien fâché de vous avoir fait lever de votre lit, reprit Kit ; mais ces messieurs que vous apercevez à la porte du cimetière sont aussi des étrangers qui arrivent en ce moment après un long voyage, pour aller au presbytère. Pouvez-vous nous l’indiquer ?

— Si je le puis ! répondit le vieillard d’une voix tremblante. Vienne l’été prochain, il y aura cinquante ans que je suis fossoyeur en ce village. Votre chemin, mon ami, est de prendre à droite. J’espère que vous n’apportez pas de fâcheuses nouvelles à notre bon ministre ? »

Kit s’empressa de répondre négativement et de le remercier. Il allait s’éloigner quand son attention fut attirée par une voix d’enfant. Il leva les yeux et aperçut une toute petite créature à une croisée voisine.

« Qu’est-ce qu’il y a ? dit vivement l’enfant. Est-ce que mon rêve serait vrai ? Je vous en prie, dites-le-moi, qui que vous soyez, vous qui êtes là debout et éveillé.

— Pauvre enfant ! dit le fossoyeur avant que Kit eût pu répondre. Comment ça va-t-il, mon mignon ?

— Mon rêve est-il vrai ? s’écria de nouveau l’enfant d’une voix si fervente qu’elle eût fait vibrer le cœur de quiconque pouvait l’entendre. Non, non, c’est impossible. Je me trompe. Comment serait-ce possible ?

— Je comprends sa pensée, dit le fossoyeur. Retourne à ton lit, cher enfant !

— Oh ! s’écria l’enfant dans un transport de désespoir, je savais bien que cela n’était pas possible, j’en étais bien sûr avant de le demander. Mais toute cette nuit et l’autre nuit aussi, mon rêve a été le même. Je ne puis plus m’endormir sans que ce vilain rêve me revienne.