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bout de trois ou quatre milles, il se trouva qu’il était plein de trous et d’ornières, couverts de neige, qui faisaient à chaque instant tomber les chevaux tremblants et les obligeaient à ne plus aller qu’au pas. Comme il était impossible, pour des gens aussi agités que l’étaient nos voyageurs, de rester tranquillement assis et d’avancer si lentement, tous trois descendirent et suivirent péniblement la voiture. La distance semblait interminable, et l’on avait toutes les peines du monde à marcher. Les voyageurs croyaient déjà que le postillon s’était trompé de route, lorsque minuit sonna à l’horloge d’une église peu éloignée ; la voiture s’arrêta. Elle ne faisait pas grand bruit auparavant ; mais lorsqu’elle cessa de faire craquer la neige, le silence fut aussi effrayant que si quelque tumulte étourdissant avait été remplacé tout à coup par un calme complet.

« C’est ici, messieurs, dit le postillon descendant de son cheval et frappant à la porte d’une petite auberge. Holà ! … après minuit, dans ce pays-ci, tout est mort. »

Le postillon avait frappé ferme et longtemps, mais sans réussir à se faire entendre des habitants plongés dans le sommeil. Tout demeurait sombre et silencieux. Les voyageurs se reculent pour regarder aux fenêtres, simples trous grossièrement percés dans la muraille blanche. Pas de lumière. On croirait la maison déserte, et les dormeurs déjà morts ; car rien ne bouge.

Les voyageurs se consultèrent avec anxiété et à voix basse, comme s’ils craignaient de troubler les échos sinistres qu’ils venaient de réveiller.

« Allons-nous-en, dit le gentleman, et que ce brave homme continue de frapper jusqu’à ce qu’on l’entende, si c’est possible. Je ne puis me reposer avant de savoir si nous ne sommes pas arrivés trop tard. Allons-nous-en, au nom du ciel ! »

Ils s’éloignèrent, laissant au postillon le soin de recommencer à frapper et de se procurer tout ce que l’auberge pourrait fournir. Kit les accompagna avec une petite boîte qu’il avait suspendue dans la voiture au moment du départ, sans l’oublier depuis ; c’était l’oiseau de Nelly dans sa vieille cage, juste comme elle le lui avait légué. Il savait bien qu’elle aurait du plaisir à revoir son oiseau !

La route descendait par une pente douce en avançant, les voyageurs perdirent de vue l’église dont ils avaient entendu