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desséchés, on aurait dit un grand fantôme pour qui la route était trop étroite et dont les vêtements frôlaient de chaque côté les ronces du chemin à mesure qu’il avançait. Petit à petit il finit par se calmer et s’éteindre ; ce fut au tour de la neige.

Les flocons se pressaient, serrés et rapides ; bientôt ils couvrirent la terre à quelques pouces d’épaisseur, répandant en même temps un silence solennel, tout alentour. Les roues tournaient sans bruit ; et le son éclatant et retentissant du sabot des chevaux ne devint plus qu’un piétinement sourd et comprimé. Leur marche muette et lente ne troublait plus le silence de mort qui régnait partout.

Abritant ses yeux contre la neige qui se gelait sur ses cils et obscurcissait sa vue, Kit s’efforçait souvent de distinguer les premières lueurs vacillantes qui pouvaient indiquer l’approche de quelque bourg. Il apercevait bien de temps en temps quelques objets, mais aucun d’une manière précise. Tantôt apparaissait un grand clocher qui bientôt après se transformait en un arbre ; tantôt une grange ; tantôt une ombre qui s’étendait sur le sol, projetée par les brillantes lanternes de la chaise de poste ; tantôt c’étaient des cavaliers, des piétons, des voitures qui précédaient les voyageurs ou se croisaient avec eux sur la route étroite, et qui, au bout d’un certain temps, devenaient des ombres à leur tour. Un mur, une ruine, un pignon épais se dressait au bord de la route ; et, lorsqu’on avançait la tête, on trouvait que ce n’était plus que la route elle-même. D’étranges tournants, des ponts, des courants d’eau semblaient s’élancer au-devant des voyageurs, rendant la direction plus incertaine encore : et cependant on était toujours sur la route ; et tout cela, comme le reste, finissait par se perdre en de vaines illusions.

Kit descendit lentement de sa banquette, car ses membres étaient transis de froid, au moment où l’on arriva à une maison de poste isolée, et il y demanda à quelle distance ils étaient encore du terme de leur voyage. Il était tard pour un relais de traverse, et tout le monde était couché. Mais d’une fenêtre d’en haut quelqu’un répondit : Dix milles. Les quelques minutes qui s’écoulèrent ensuite semblèrent avoir la durée d’une heure ; mais enfin un homme amena en grelottant les chevaux, et ne tarda pas à repartir.

Le chemin où l’on s’engagea était un chemin de traverse. Au