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de parenté qui existent entre mon père et une personne qui a toute leur confiance, seront une garantie suffisante de la nature amicale de cette excursion.

— Ah ! pensa M. Chukster regardant par la fenêtre, tout le monde excepté moi. Un snob passe avant moi ! à la bonne heure. Il n’a pas pris, à ce qu’il paraît, le billet de banque de cinq livres, mais je n’ai pas le moindre doute qu’il ne soit toujours à la veille de quelque chose comme ça. Il y a longtemps que je l’ai dit avant cette affaire. — Tiens ! Voilà une fillette qui est diablement gentille ! Parole d’honneur, une jolie petite créature ! »

C’était Barbe qui était l’objet des remarques flatteuses de M. Chukster. Pendant qu’elle se tenait près de la voiture prête à partir, ce gentleman se sentit saisi tout à coup d’un très-vif intérêt pour la fillette. Il s’en alla en flânant dans un coin du jardin, où il prit position à distance convenable pour jouer de la prunelle. Comme c’était un vrai Lovelace, la coqueluche du beau sexe, et par conséquent fort au courant de ces petits artifices qui vont droit au cœur, M. Chukster prit une pose à effet : il appuya une main sur sa hanche, et de l’autre ajusta les boucles flottantes de sa chevelure. C’est une attitude à la mode dans les cercles élégants, et, pour peu qu’on l’accompagne d’un gracieux sifflement, elle a souvent, comme on sait, un succès immense.

Cependant telle est la différence des mœurs de la ville et de celles de la campagne, que personne ne prit garde le moins du monde à cette pose engageante ; car toutes ces bonnes gens ne songeaient qu’à adresser leurs adieux aux voyageurs, à s’envoyer des baisers avec la main, à agiter leurs mouchoirs, enfin à une foule de pratiques bien moins élégantes et moins distinguées que la pose de M. Chukster. Déjà le gentleman et M. Garland étaient dans la voiture, le postillon en selle, et Kit, bien enveloppé d’un manteau, bien emmitouflé, était monté sur le siège de derrière. Près de la chaise de poste se tenaient mistress Garland, M. Abel, la mère de Kit et le petit Jacob ; à quelque distance, la mère de Barbe qui portait le poupon éveillé Tous faisaient signe de la tête et des bras, saluaient ou criaient « Bon voyage ! » avec toute l’énergie dont ils étaient capables. Au bout d’une minute, la voiture fut hors de vue ; M. Chukster resta seul à son poste. Il avait encore présent aux yeux Kit, debout sur son siège, envoyant de la main un adieu à Barbe, et l’image de Barbe lui renvoyant le même salut, sous ses yeux,