Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonne que de Barbe, et Barbe, vous comprenez, ne se doutant pas que Christophe fût là, et voulant s’assurer si tout était en ordre, l’avait rejoint sans le savoir. Comme elle rougit, la petite Barbe !

Peut-être que Kit avait suffisamment caressé le poney ; peut-être aussi qu’il y avait à caresser mieux qu’un poney, que vingt poneys. Tout ce que je sais, c’est qu’il laissa aussitôt Whisker pour Barbe…

« J’espère que vous allez mieux, dit-il.

— Oui. Beaucoup mieux. J’ai peur (et ici Barbe baissa les yeux et rougit plus encore), j’ai peur que vous ne m’ayez trouvée bien ridicule.

— Pas du tout, dit Kit.

— Ah ! tant mieux ! » dit Barbe avec une petite toux ; hem ! la plus petite toux possible, quoi ! pas plus que ça, hem !

Quel discret poney quand il lui plaisait d’être discret ! Le voilà aussi tranquille que s’il était de marbre. Il a l’air un peu farceur à regarder de côté ; mais ce n’est pas nouveau : il a toujours l’air farceur.

« À peine, Barbe, si nous avons eu le temps de nous serrer la main, » dit Kit.

Barbe lui tendit la main. Mais en vérité elle tremblait ! Est-elle sotte, cette Barbe, d’avoir peur comme ça ! quand on est à la distance d’une longueur de bras, pourtant ! Il est vrai qu’une longueur de bras, ce n’est pas grand’chose, et puis le bras de Barbe n’était pas bien long, et d’ailleurs, elle ne le tenait pas tout droit, mais elle le pliait un peu. Kit était si près d’elle, quand leurs mains se pressèrent, qu’il put apercevoir une toute petite larme qui tremblait encore au bout d’un cil. Il était naturel qu’il examinât cela de plus près, sans en rien dire à Barbe. Il était naturel aussi que Barbe levât ses yeux sans se douter de cet examen et rencontrât les siens. Mais était-il aussi naturel qu’en ce moment et sans la moindre préméditation Kit embrassât Barbe ? Je n’en sais rien ; mais ce que je sais bien, c’est qu’il l’embrassa.

« Fi donc ! » s’écria Barbe.

Mais elle le laissa recommencer. Il l’eût même embrassée jusqu’à trois fois si le poney ne se fût avisé de ruer et de secouer la tête comme dans un transport subit de folle joie. Barbe, effrayée, s’enfuit, nais elle n’alla pas tout droit là où se trouvaient