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franchi le mur extérieur et se trouvaient en plein air, dans la rue dont il s’était si souvent retracé l’image, qu’il avait si souvent rêvée lorsqu’il était enfermé entre ces noires murailles. La rue lui sembla plus large, plus animée qu’autrefois. La nuit était triste, et cependant combien à ses yeux elle parut vive et gaie !

Un des gentlemen, en prenant congé de Kit, lui glissa de l’argent dans la main. Kit ne le compta point : mais à peine eut-on dépassé le tronc destiné aux prisonniers pauvres, que le jeune homme y courut déposer l’argent qu’on venait de lui donner.

M. Garland avait dans une rue voisine une voiture qui l’attendait. Il y fit monter Kit auprès de lui, et ordonna au cocher de le conduire à la maison. La voiture ne put d’abord marcher qu’au pas, précédée de torches pour l’éclairer, tant le brouillard était intense : mais quand on eut franchi la rivière et laissé en arrière les quartiers de la ville proprement dite, on n’eut plus à prendre ces précautions, et l’on alla plus vite. Le galop même semblait trop lent à l’impatient Kit, pressé d’arriver au terme du voyage ; ce ne fut que lorsqu’ils furent près de l’atteindre, qu’il pria le cocher d’aller plus lentement, et, quand il verrait la maison, de s’arrêter seulement une minute ou deux pour lui laisser le temps de respirer.

Mais ce n’était pas le moment de s’arrêter. Le vieux gentleman éleva la voix ; les chevaux hâtèrent leur pas, franchirent la grille du jardin, et une minute après stationnèrent à la porte. À l’intérieur de la maison retentit un grand bruit de voix et de pieds. La porte s’ouvrit. Kit se précipita… Il était dans les bras de sa mère.

Il y avait là aussi l’excellente mère de Barbe, qui tenait le petit nourrisson dont elle ne s’était pas séparée depuis le triste jour où l’on pouvait si peu espérer une telle joie. La pauvre femme ! Elle versait toutes ses larmes et sanglotait comme jamais femme n’a sangloté ; puis il y avait la petite Barbe, pauvre petite Barbe, toute maigrie et toute pâle, et cependant si jolie toujours ! Elle tremblait comme la feuille et s’appuyait contre la muraille. Il y avait mistress Garland, plus affable et plus bienveillante que jamais, et qui, dans son émotion, se sentait défaillante et prête à tomber sans que personne songeât à la soutenir ; puis M. Abel, qui frottait vivement son nez et voulait embrasser tout le monde ; puis le gentleman qui tournait autour d’eux tous