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femme des yeux louches ; quel plaisir de vous voir gelée ! Quel bonheur que vous vous soyez perdue en route ! C’est une vraie jouissance de voir comme vos yeux sont rouges à force de pleurer, et je me sens dilater le cœur de voir votre petit nez violet de froid comme une pomme de terre.

— Quilp ! … s’écria la jeune femme en sanglotant, que vous êtes cruel ! …

— Eh bien ! elle croyait donc que j’étais mort ! dit le nain plissant son visage en une foule de grimaces plus extraordinaires les unes que les autres. Elle croyait donc qu’elle allait avoir tout mon argent pour se remarier à quelque galant de son goût ? Ah ! ah ! ah ! elle croyait ça ! »

Ces reproches ne furent suivis d’aucune réponse de la pauvre petite femme. Elle restait agenouillée, chauffant ses mains en pleurant, ce qui charmait M. Quilp. Mais, tandis qu’il la contemplait, tout épanoui de joie, il vint à remarquer que Tom Scott paraissait aussi s’amuser beaucoup de son côté. Comme il ne se souciait pas d’associer à son plaisir ce présomptueux compagnon, le nain se lança sur lui, le saisit au collet, le traîna jusqu’à la porte et, après une courte lutte, l’envoya d’un coup de pied dans la cour. En retour de cette marque d’attention, Tom se planta immédiatement sur ses mains et courut ainsi jusqu’à la croisée ; là, si l’on peut admettre cette expression, il regarda avec ses souliers par la fenêtre : tambourinant avec ses pieds comme une benshée[1], du haut en bas des vitres. Naturellement, M. Quilp ne perdit pas de temps pour recourir à l’inévitable tisonnier. Il s’avança doucement en faisant des détours et se mettant en embuscade ; puis soudain, avec sa barre de fer, il envoya à son jeune ami un ou deux compliments si peu équivoques, que Tom Scott se sauva précipitamment, laissant son maître tranquille possesseur du champ de bataille.

« C’est bien ! dit froidement le nain. À présent que cette petite affaire est heureusement terminée, je vais lire ma lettre. Hum ! murmura-t-il en y jetant les yeux, je connais cette écriture. C’est de la belle Sarah ! … »

Il ouvrit la lettre et lut les lignes suivantes, écrites en une ronde légale magnifique :

« Sammy s’est laissé retourner et a révélé le secret. Tout est

  1. Fée d’Écosse.