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« N’est-ce pas, dit son guide à voix basse mais avec une certaine chaleur, n’est-ce pas que ça fait plaisir de le voir reposer comme ça ? … Oh ! si vous l’aviez vu il y a deux ou trois jours seulement ! quelle différence ! »

Le jeune M. Garland ne répondit rien, et, à dire vrai, il aimait mieux se tenir très-loin du lit et très-près de la porte. Son guide, qui paraissait comprendre sa répugnance, moucha la chandelle, la prit à la main et s’approcha du malade. Au même moment le dormeur tressaillit… M. Abel reconnut dans ce visage dévasté par la souffrance les traits de Richard Swiveller.

« Qu’est-ce que ceci ? dit-il d’un ton amical et en s’élançant vers lui ; vous avez donc été malade ?

— Très-malade, répondit Richard, à deux doigts de la mort. Il ne s’en est fallu de rien que vous vinssiez à apprendre que votre très-humble Richard était dans sa bière, sans l’amie que j’ai envoyée à votre recherche… Une autre poignée de main, marquise, s’il vous plaît… Asseyez-vous, monsieur. »

M. Abel, qui ne parut pas médiocrement surpris d’entendre conférer une telle qualité à son guide, prit une chaise et s’assit auprès du lit. « J’ai envoyé chez vous, monsieur, dit Richard ; elle vous a sans doute appris déjà pour quel motif.

— En effet, j’en suis encore tout bouleversé. Je ne sais réellement que dire ni que penser.

— Vous le saurez bientôt, répliqua Dick. Marquise, asseyez-vous au pied du lit, s’il vous plaît. Maintenant, racontez à ce gentleman tout ce que vous m’avez raconté à moi-même, d’un bout à l’autre. Vous, monsieur, ne dites rien. »

L’histoire fut répétée exactement de la même manière que la première fois, sans addition, sans omission non plus. Durant tout le récit, Richard Swiveller tint ses yeux fixés sur le visiteur ; et quand la marquise eut achevé, il reprit aussitôt la parole :

« Vous venez, dit-il, d’entendre tous ces détails, et vous ne les oublierez pas. Je suis trop affaibli, trop épuisé pour pouvoir vous donner aucun conseil ; mais vous et vos amis vous saurez bien ce que vous aurez à faire. Après ce long retard, chaque minute est un siècle. Si jamais dans votre vie vous vous êtes hâté de retourner chez vous, que ce soit surtout ce soir. Ne vous arrêtez pas pour me dire un seul mot, mais partez. On la trouvera ici si l’on a besoin d’elle. Et quant à moi, vous êtes bien sûr