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« Monsieur Swiveller, dit l’avocat de Brass, où avez-vous, s’il vous plaît, dîné hier ?

— Où j’ai dîné hier ?

— Oui, monsieur ; où avez-vous dîné hier ? Était-ce près d’ici, monsieur ?

— Oh ! certainement… Oui… Tout près d’ici.

— Certainement… Oui… Tout près d’ici, répète l’avocat de M. Brass en jetant de côté un regard à la cour. Et il ajoute : Vous étiez seul, monsieur ?

— Plaît-il, monsieur ?… dit M. Swiveller qui n’a pas saisi la question.

— Si vous étiez seul, monsieur ? répète d’une voix de tonnerre l’avocat de M. Brass. Avez-vous dîné seul ? N’avez-vous pas traité quelqu’un, monsieur ? Parlez.

— Oh ! certainement si ; si, j’ai traité quelqu’un, dit M. Swiveller avec un sourire.

— Ayez la honte, monsieur, de vous départir d’une légèreté très-déplacée devant le tribunal, quoique peut-être vous ayez quelque raison de vous féliciter d’y être seulement en qualité de témoin. »

Et en disant cela l’avocat donne à entendre par un signe de tête que la place légitime de M. Swiveller serait plutôt au banc des accusés.

« Veuillez m’écouter attentivement. Hier vous étiez près d’ici, attendant pour savoir si le procès serait appelé. Vous avez dîné de l’autre côté de la rue. Vous avez traité quelqu’un. Maintenant, ce quelqu’un n’était-il pas le frère du prisonnier ici présent ? »

M. Swiveller se met en devoir de fournir des explications.

« Oui ou non, monsieur ? crie l’avocat de Brass.

— Mais permettez-moi…

— Oui ou non, monsieur ?

— Eh bien, oui, mais…

— Vous voyez bien ! s’écrie l’avocat l’arrêtant net. Un joli témoin, ma foi ! »

L’avocat de M. Brass s’assied. L’avocat de Kit, ne sachant pas de quoi il s’agit, n’ose insister sur l’incident. Richard Swiveller se retire abasourdi. Le juge, les jurés, les spectateurs, tout le monde se le représente en idée, faisant quelque orgie avec un sacripant aux épaisses moustaches, un jeune dissolu de six