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plus effrayant pour beaucoup de gens que celui de têtes coiffées de leurs cheveux naturels. Si l’on ajoute à ces considérations l’émotion que Kit dut éprouver en voyant les deux MM. Garland et le petit notaire, pâles et le visage rempli d’anxiété, personne ne s’étonnera qu’il fût déconcerté et qu’il ne se sentît pas du tout à son aise.

Bien que depuis son emprisonnement il n’eût reçu la visite ni d’aucun des MM. Garland ni de M. Witherden, cependant on lui avait donné à entendre qu’ils avaient fait choix pour lui d’un avocat. Lorsqu’un des gentlemen en perruque se leva et dit : « Milord, je me présente ici pour le prisonnier, » Kit fit un salut ; et lorsqu’un autre gentleman, également en perruque, se leva à son tour et dit : « Milord, je me présente contre lui, » Kit devint tout tremblant, et salua aussi cet avocat. Mais je suis sûr qu’au fond de l’âme il espérait bien que son gentleman à lui allait faire voir à l’autre gentleman son béjaune, et ne tarderait pas à le renvoyer tout penaud.

L’avocat qui plaidait contre Kit fut appelé à parler le premier : il était malheureusement dans les dispositions les plus heureuses, car il venait justement, dans la dernière affaire jugée, d’obtenir à peu près l’acquittement d’un jeune étourdi qui avait eu le malheur d’assassiner son père. Aussi il avait la parole en main, et il en usa joliment, comme vous pouvez croire. Il prévint les jurés que, s’ils acquittaient le prévenu, ils devaient s’attendre à éprouver autant de remords cuisants et de tortures morales que les jurés précédents en eussent ressenti s’ils avaient condamné l’autre accusé. Après avoir exposé amplement l’affaire, après avoir dit que jamais il n’en avait vu de pire espèce, il s’arrêta un instant, comme un homme qui a quelque chose de terrible à leur communiquer. « Je suis informé, dit-il, qu’un effort sera tenté par mon honorable ami (et il se tourna en le désignant vers le conseil de Kit) pour invalider la déposition des témoins irréprochables que je vais appeler devant vous, messieurs ; mais j’ai l’espoir et la confiance que mon honorable ami montrera plus de respect et de vénération pour le caractère du plaignant. Jamais il n’y eut, je le sais, plus digne membre de cette digne profession à laquelle il appartient. Messieurs les jurés connaissent-ils Bevis-Marks, et, s’ils connaissent Bevis-Marks, comme j’ose l’affirmer en leur nom, connaissent-ils les hautes illustrations historiques qui se rattachent à ce