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après en avoir examiné le contenu, il le tendit à Kit, puis retourna à sa place.

On concevra aisément que le prisonnier n’eût pas grand appétit ; mais il s’assit à terre et mangea du mieux qu’il put, tandis qu’à chaque bouchée qu’il portait à ses lèvres, sa mère pleurait et sanglotait de nouveau, bien que la satisfaction qu’elle éprouvait à cette vue adoucit un peu son chagrin.

Tout en se livrant à cette occupation, Kit fit avec anxiété quelques questions sur ses maîtres, et demanda s’ils avaient exprimé une opinion sur son compte ; mais tout ce qu’il put apprendre, ce fut que M. Abel lui-même avait, la nuit précédente, porté à mistress Nubbles avec infiniment de bonté et de délicatesse la nouvelle de l’événement, sans laisser percer son opinion personnelle sur l’innocence ou la culpabilité du prisonnier. Kit était au moment de réunir tout son courage pour demander à la mère de Barbe des nouvelles de sa fille, quand le porte-clefs qui l’avait amené reparut, en même temps que le deuxième guichetier se montrait derrière les visiteurs, et que le troisième, l’homme au journal, disait à haute voix : « L’heure est sonnée » ajoutant du même ton : « À d’autres maintenant ! » puis il remit le nez sur son journal. En un instant Kit disparut, emportant une bénédiction de sa mère et un cri poussé par le petit Jacob qui retentissait cruellement à ses oreilles. Comme il traversait la cour suivante, sous la conduite du premier guichetier, son panier à la main, un autre employé vint à eux et les invita à s’arrêter. Il tenait un litre de porter.

« Ce n’est pas là, dit-il, le nommé Christophe Nubbles, qui est entré ici hier au soir pour crime de vol ?

— Oui, répondit le camarade, c’est le poulet en personne.

— Alors cette bière est pour vous, dit l’homme à Kit. Eh bien ! qu’avez-vous tant à regarder ? Il n’y en a pas de répandue.

— Je vous demande pardon, dit Kit ; mais qui m’a envoyé cela ?

— Qui ? votre ami m’a dit que vous en auriez autant chaque jour ; et vous l’aurez s’il paye.

— Mon ami ! répéta Kit.

— Comme vous êtes effaré ! … Tenez, voici sa lettre. Prenez. »

Kit prit la lettre, et une fois dans sa cellule, il lut ce qui suit :