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comme si les échos mêmes étaient aussi sous les verrous sans pouvoir s’échapper de leurs prisons.

Le geôlier lui avait donné à entendre qu’il était, ainsi que plusieurs autres détenus, logé à part de la masse des prisonniers, parce qu’on ne le supposait pas complètement dépravé ni tout à fait incorrigible, et que jamais il n’avait encore occupé d’appartements dans ce palais. Kit se sentit reconnaissant de cette mesure d’indulgence : il s’assit et se mit à lire très-attentivement le catéchisme, bien qu’il le sût par cœur depuis sa plus tendre enfance, jusqu’au moment où il entendit la clef tourner dans la serrure et vit le geôlier entrer de nouveau.

« Allons, dit celui-ci, suivez-moi.

— Où, monsieur ? » demanda Kit.

L’homme se borna à répondre brièvement : « Des visiteurs, » et prenant Kit par le bras juste comme le constable l’avait pris la veille, il le mena à travers des corridors tortueux et en ouvrant successivement plusieurs portes épaisses, jusqu’à un couloir où il le mit derrière un grillage ; après quoi, il tourna les talons. Au delà de cette grille, à une distance de quatre ou cinq pieds environ, il y en avait une autre, exactement semblable à la première. Dans l’intervalle laissé entre les deux grilles était assis un guichetier qui lisait un journal ; et au delà de l’autre grille, Kit aperçut, le cœur tout palpitant, sa mère avec le petit enfant dans les bras ; la mère de Barbe avec son inséparable parapluie, et le pauvre petit Jacob regardant de son mieux, comme pour voir un oiseau en cage ou plutôt une bête féroce dans sa loge, s’imaginant qu’il ne se trouvait là des hommes que par pur accident ; que pouvaient-ils avoir de commun avec des barreaux ?

Mais voici que le petit Jacob vit son frère, et passa ses bras entre les grilles pour l’étreindre ; puis, comprenant qu’il ne pouvait arriver jusqu’à lui, il posa la tête, de désespoir, contre le bras qu’il venait d’appuyer le long d’un barreau, et commença à se lamenter : là-dessus, la mère de Kit et la mère de Barbe, qui s’étaient contenues jusque-là, se mirent à leur tour à pleurer, à sangloter. Le pauvre Kit ne put s’empêcher de joindre ses larmes à leurs larmes ; aucun d’eux n’était en état de prononcer un seul mot.

Pendant cet intervalle de tristesse muette, le guichetier lisait son journal avec un air jovial ; sans doute il était tombé sur