Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foqué. Il resta dans cette posture, entre le frère et la sœur, passif et n’opposant aucune résistance, jusqu’au moment où M. Swiveller revint suivi d’un constable.

Ce fonctionnaire était sans doute familiarisé avec des scènes de cette nature ; les vols qui chaque jour défilaient sous ses yeux, depuis le minime larcin jusqu’à l’effraction dans les maisons habitées, ou les aventures de grand chemin, n’étaient pour lui qu’une affaire comme une autre ; il ne voyait dans les individus coupables de ces méfaits qu’autant de pratiques qui venaient se faire servir au magasin de loi criminelle en gros et en détail dont il tenait le comptoir ; aussi reçut-il de M. Brass le rapport de ce qui s’était passé à peu près avec autant d’intérêt et de surprise qu’en pourrait montrer un entrepreneur de pompes funèbres, s’il lui fallait écouter dans les plus minutieux détails le récit de la dernière maladie du mort auquel il vient rendre par profession les devoirs suprêmes. Ce fut donc avec une parfaite indifférence qu’il arrêta Kit.

« Nous ferons bien, dit ce ministre subalterne de la police, de le conduire au bureau du magistrat, tandis que celui-ci y est encore. Je vous prierai, monsieur Brass, de venir avec nous, ainsi que… »

Il regarda miss Sally d’un air d’hésitation et de doute, comme s’il ne savait comment qualifier une personne qui pouvait être prise aussi raisonnablement pour un griffon ou tout autre monstre mythologique.

« Madame, hein ? dit Sampson.

— Ah ! oui… madame, répliqua le constable. Le jeune homme qui a découvert le billet est nécessaire également.

— Monsieur Richard, monsieur, dit Brass d’une voix dolente Quelle triste nécessité ! … Mais l’autel de la patrie, monsieur…

— Vous prendrez un fiacre, je suppose ? interrompit le constable saisissant avec peu de précaution par le bras, au-dessus du coude, Kit que ses gardiens avaient relâché. Veuillez en envoyer chercher un.

— Mais permettez-moi de dire un mot, s’écria Kit levant ses yeux et regardant autour de lui d’un air de supplication. Un mot seulement ! Je suis aussi innocent que pas un de vous. Sur mon âme, je ne suis pas coupable. Moi, un voleur ! Ah ! monsieur Brass, vous ne le croyez pas, j’en suis sûr. C’est bien mal de votre part.