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et à la mort, part tout d’un coup sans être touché le moins du monde, et court à une vitesse de douze milles anglais à l’heure. Alors M. Brass et sa sœur, qui est venue le rejoindre à la porte, échangent un sourire bizarre qui n’est pas des plus avenants, et retournent auprès de M. Richard Swiveller qui, durant leur absence, s’est régalé de diverses attitudes de pantomime, et se laisse surprendre, à son pupitre, dans un état d’agitation et de rougeur qui le trahit, grattant vivement rien du tout avec son canif ébréché.

Quand il arrivait que Kit venait seul et sans la chaise, toujours aussi il se trouvait que Sampson Brass, se rappelant une commission, avait à envoyer M. Swiveller, sinon de nouveau à Peckam Rye, du moins à quelque endroit assez éloigné pour que le clerc ne pût pas être de retour avant deux ou trois heures, ce gentleman n’étant pas d’ailleurs, à dire vrai, renommé pour sa diligence dans les courses, car il avait plutôt l’habitude de prolonger et d’étendre jusqu’aux dernières limites du possible le temps qui lui était accordé. Sitôt M. Swiveller sorti, miss Sally s’éclipsait. Alors M. Brass ouvrait toute grande la porte de l’étude, se mettait gaiement à entonner sa vieille chanson et reprenait son sourire séraphique. En arrivant à l’escalier, Kit ne manquait pas de s’entendre appeler : le procureur engageait avec lui une conversation morale et amusante ; parfois il le priait de veiller un instant sur l’étude parce qu’il avait à faire une petite course, et, en revenant, il le gratifiait d’un écu ou deux. Ces rémunérations se reproduisirent si souvent, que Kit, ne doutant nullement qu’elles vinssent du gentleman déjà si généreux avec mistress Nubbles, ne pouvait assez admirer tant de libéralité, et il achetait tant de bagatelles à bon marché, soit pour la mère, soit pour le petit Jacob, soit pour le poupon, soit enfin pour Barbe, que chaque jour l’un ou l’autre avait son nouveau cadeau.

Tandis que ces faits et gestes se manigançaient tant chez Sampson Brass qu’au dehors, Richard Swiveller, souvent laissé seul dans l’étude, commença à trouver que le temps lui pesait. En conséquence, pour se maintenir en belle humeur et pour empêcher ses facultés de se rouiller, il fit l’emplette d’un cribbage[1] et d’un jeu de cartes, et s’habitua à jouer au cribbage

  1. Sorte de jeu de cartes particulier aux Anglais.