Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme le poney avait jeté le masque, et que, sans prendre la peine de pallier désormais la chose ou détourner autour du pot, il refusait obstinément de se laisser conduire par tout autre que Kit, il arrivait généralement que, si le vieux M. Garland ou M. Abel venait à Bevis-Marks, Kit était de la partie. En vertu de sa position, Kit était le porteur de tous les messages, de toutes les lettres. Aussi, tant que dura l’indisposition du gentleman, Kit fit-il, chaque matin, le voyage de Bevis-Marks avec presque autant de régularité que la grande poste.

M. Sampson Brass, qui, sans doute, avait ses raisons pour l’épier attentivement, apprit bientôt à distinguer le trot du poney et le bruit que faisait la petite chaise en tournant le coin de la rue. Dès que le premier son arrivait à ses oreilles, il déposait immédiatement sa plume pour se frotter les mains en témoignant la plus grande joie.

« Ah ! ah ! s’écriait-il. Voici encore le poney. Un bon poney, monsieur Richard, et si docile ! N’est-ce pas, monsieur ? »

Richard faisait une réponse en l’air ; quant à M. Brass, grimpé sur le haut de son tabouret, comme pour jeter un coup d’œil dans la rue à travers le haut de sa fenêtre opaque, il se mettait à l’affût afin d’observer les visiteurs.

« Encore le vieux gentleman !… s’écriait-il, un vieux gentleman, de l’abord le plus prévenant, monsieur Richard, une charmante tournure, monsieur, quelque chose de calme, une bienveillance parfaite dans toute la physionomie, monsieur. Il réalise complètement pour moi le type du roi Lear, tel qu’il était lorsqu’il possédait encore son royaume, monsieur Richard. C’est la même affabilité, c’est la même chevelure blanche sur une tête à demi chauve, c’est la même facilité à se laisser attraper. Ah ! quel beau coup d’œil, monsieur, quel beau coup d’œil ! »

Puis, dès que M. Garland avait mis pied à terre et gravi l’escalier, Sampson adressait, de sa croisée, un signe de tête et un sourire à Kit ; il sortait ensuite dans la rue pour le saluer, et entamait avec lui une conversation à peu près en ces termes :

« Voilà une bête admirablement pansée, Kit ! »

M. Brass caresse le poney.

« Il vous fait honneur ; le poil lisse et brillant. Il a littéralement l’air d’avoir été passé au vernis de la tête aux pieds. »

Kit touche le bord de son chapeau, sourit, caresse